Peu de discours mais de la méthode
Crédit photo photosdegauche.fr (octave_honorin)
Ce samedi 23 mars au matin, le congrès du Parti de Gauche reprend ses travaux, renforcés par les camarades qui sont arrivés aux aurores. Avec les Blogchéviks, nous sommes à pied d’œuvre pour rendre compte des travaux d’une organisation mature qui a décidé de s’organiser pour devenir un parti de masse. Les statuts adoptés, non seulement le permettent mais ouvrent la voie au renforcement de notre organisation, à l’émergence de cadres nouveaux et à la formation des militants.
Ce matin, en présence de la presse – nous n’avons rien à cacher – mais aussi de nombreux invités représentant les partis amis du Front de gauche, nous abordons la plateforme politique en séance plénière. Après un rapport introductif du délégué général du Parti, François Delapierre, nous approfondissons le travail entamé la veille en ruche.
La lutte contre les faussaires de l’extrême-droite est au cœur de nos échanges, quand nous sommes engagés dans une course de vitesse contre les idées de la haine. Dans la campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon l’a rappelé : « A la fin, ce sera entre eux et nous ». Pourtant, Alexis Corbière le précise au micro : « L’événement politique majeur des élections de 2012, c’est la progression du Front de gauche ! pas la hausse du FN. Dans bien des endroits, nous lui sommes passés devant comme à Aubervilliers, Stains, Vaulx-en-Velin, Grigny où nous sommes en tête ».
Les discussions se poursuivent aussi dans les couloirs, autour d’un café ou d’un verre d’eau fraîche. Mais dans leur immense majorité, les délégués sont studieux, concentrés, attentifs à chaque intervenant qui se succède au micro. Au petit-déjeuner, nous avons débrieffé les débats de la veille, tenus à huis-clos.
Dans la grande salle, la discussion reprend sur l’enjeu de l’Europe, dans la perspective des élections de juin 2014, pour lesquelles nous fixons au Front de Gauche l’objectif de passer en tête de toutes les formations de gauche. Ce débat est bousculé par les événements de Chypre, lesquelles nous amènent à bousculer notre propre corpus idéologique. C’est la force d’un parti vivant que de tenir compte de la réalité quitte à remettre ses propres dogmes en cause. Plus que jamais, nous partons du réel pour aller vers l’idéal. Guillaume Etiévant, de la Commission économique du PG, en appelle donc à « la désobéissance » face aux diktats de la Banque centrale européenne.
Echo aux propos de Jean-Luc Mélenchon qui, la veille, déclarait « entre l’euro et le peuple, nous choisirons le peuple ». Nous proposons ainsi de réhabiliter le rôle de la Banque de France, outil des politiques d’intervention de la puissance publique. Les délégués qui prennent la parole font la démonstration de l’intelligence du peuple militant. Les membres de la direction sortante n’ont pas le monopole des arguments – ils s’en félicitent d’ailleurs – et les idées irriguent le débat pour qu’ensemble nous en ressortions plus forts, plus en phase avec la réalité, plus pertinents dans nos analyses et nos propositions.
Le consensus politique qui émerge de nos échanges ne relève donc pas d’un unanimisme de façade, d’une volonté de présenter un « joli visage » au peuple de gauche. Têtes dures nous sommes jusque dans notre manière de fonctionner. Et quand nous parvenons à une position commune, c’est bien parce que chacun a été convaincu de sa pertinence. D’où des débats longs ponctués de rares votes. Depuis notre naissance, nous avons fonctionné de cette manière et c’est bien cela qui fait la force du Parti de Gauche. Cela a aussi pour gros avantage qu’à l’issue d’une confrontation politique, entre nous, il n’y ait ni vainqueurs ni vaincus car c’est bien l’organisation qui a gagné en clarté.
Cette méthode, en outre mais ce n’est pas là la moindre de ses qualités, nous permet d’éviter collectivement un double écueil. D’un côté, nous évitons la confusion qui naît de l’absence de cohérence entre les actes et les discours ; de l’autre, nous refusons les discours de posture aux relents gauchistes. Nous cheminons bien sur la ligne de crête d’un parti totalement mobilisé pour conquérir le pouvoir à tous les niveaux. Pas pour lui mais pour se donner les moyens de changer la vie. Ce congrès en donne encore plus la preuve par l’exemple.
L’œillet, symbole au Parti de Gauche
L’œillet, fleur emblématique de nombreuses luttes et contestations politiques, fait son entrée dans la symbolique du Parti de Gauche.
Bastien Lachaud nous raconte son histoire et explique pourquoi elle est correspond au Parti de Gauche.
Grândola, Vila Morena, hymne de la révolution des oeillets au Portugal
Paroles de Militants 2/2
Cathy et Jérôme
ILs s’appellent Valentin, Jerome, ou Cathy. etudiant, syndicaliste ou mere de famille, ils se retrouvent dans le train en direction du congrès. Mais ils ne peuvent s’empêcher de déjà discuter Parti de gauche et politique d’austérité du gouvernement. Le micro de la radio de gauche leur donne la parole…
Jean Luc et l’écharpe rouge
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« L’heure n’est plus à demander au gouvernement une inflexion ou d’aiguillonner un changement », « que ceux qui ici n’accepteraient pas cette politique me le disent » .
Pas de langue de bois pour l’ouverture du congrès du Parti de Gauche. Du Jean Luc Mélenchon qui s’attarde sur les contenus, souligne, répète.
Il est devant des militants. Il insiste sur le devoir de porter la « parole conflictuelle à Gauche ».
« Le front de gauche a porté durant toute la campagne la confrontation de deux lignes possibles à Gauche.Aujourd’hui, c’est une réorientation générale qui est à l’ordre du jour avec un changement de gouvernement ! »
Les militant(e)s sont prévenu(e)s, le congrès ne sera pas en demi-teinte, le rouge des écharpes n’est pas là pour le décor .
Réaffirmer la stratégie d’autonomie conquérante, quoi de plus logique à l’ouverture du congrès du Parti de Gauche ? Y aurait-il quelque grincheux, l’oeil rivé sur d’hypothétiques victoires municipales de 2014 pour vouloir parler alliances à Gauche, de « rabougrissement » du programme ?
En tous cas ces grincheux sont prévenus.
Jean Luc Mélenchon rappelle, s’il le fallait, que ce qui est à l’ordre du jour, c’est bien la révolution citoyenne.
Un congrès n’est ni une grande messe, ni un meeting convivial. Jean Luc le sait qui savoure ces instants avec les forces vives d’un parti qu’il a largement contribué à faire naître, à vivre, à mûrir jusqu’à ce 3e congrès.
Je laisse là la narration des propos forts sur les soubresauts européens, l’attaque sans précédent des oligarques contre Chypre, l’entrée possible dans une zone de turbulence financière capable de gripper un système pour protéger la rente de l’euro.
Les militant(e)s sont conquis, Jean Luc Mélenchon peut compter sur leur mobilisation.
Car ce qui est en jeu, c’est bien l’implication concrête des forces accumulées depuis un an dans les développements des mobilisations qui demandent réponse politique partout en Europe.
Des phénomènes abstentionnistes, aux fortes marches portugaises et espagnoles, en passant par les résistances multiples dans les entreprises privées, la visibilité de réponses de « rupture » s’impose.
Personne n’oublie ici que les réponses en termes de « replis identitaires » sont fortes. Personne n’a le sentiment de pouvoir « prendre son temps », attendre les échéances qui « inévitablement » feraient que l’alternance républicaine imposerait la Gauche.
La rupture est nécessaire, et elle devra être portée par les forces du Front de Gauche, et au delà celles et ceux qui n’en peuvent plus de cette austérité chaotique qui ruine un à un les peuples d’Europe.
Bien évidemment, ces propos s’adressent aussi aux partenaires du Front de Gauche. Tout en rappelant l’accord fort qui s’exprime dans le texte stratégique conclu en ce début d’année, tout en invitant les militants du PG à relire et soupeser les termes de ce qui est plus qu’un consensus, tout en soulignant que tout le monde s’est bien gardé de souligner que le dernier congrès du PCF a inscrit à l’ordre du jour la « révolution citoyenne », il s’agit de prendre parti dans ce qui est le débat entre nous : transformer le coeur de la Gauche.
Et c’est bien une bataille forte d’alternative qui est proposée, pas une recherche d’accords à minima avec une opposition socialiste qui joue l’Arlésienne. Pas sûr qu’évoquer pour cela les urgences politiques européennes, la menace de l’extrême droite suffise à défaire ce qui reste un noeud de la situation politique ici, la grande illusion du « changer maintenant ».
Malgré les « sondages », les commentateurs, nier que la politique sociale libérale garde encore des adeptes et reste et restera un ruban rose à dénouer pourrait être contreproductif et porteur d’un optimisme lourd de désillusions.
Et nous en sommes revenus à cette « ligne de crête », entre l’analyse juste des mises en marche des peuples, des attaques libérales capitalistes qui les suscitent, et la nature des obstacles politiques sociaux libéraux qui ici ne sont pas encore démasqués.
C’est cela qui provoque au sein du Front de Gauche la volonté parfois de chercher des raccourcis, des évitements, et de camper dans une ligne « d’opposition » de programme, ou à l’inverse de chercher alliances en espérant faire bouger un tant soit peu les lignes.
La prise de parole de Jean Luc Mélenchon comprenait en elle même toutes ces interrogations. Devant ses militants, sa parole forte semblait trancher pour l’affirmation de la « rupture tonitruante » imposée par les faits. Il fallait faire taire les tenants de la politique des petits pas, à mille lieux des exigences politiques de la situation. C’est fait.
A suivre…….
Congrès 2013 • Samedi 23 mars
Au congrès du Parti de Gauche • Le miel des militants
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Nous y voilà. Vendredi 22 mars, 22h03, parc des expositions de Bordeaux. Nous sommes quelque 500 déjà réunis pour le 3e congrès du Parti de Gauche, demain nous serons plus encore quand seront arrivés celles et ceux qui n’ont pu libérer cette dernière journée travaillée de la semaine. Nous finissons donc le premier des trois jours que durera notre congrès, sachant qu’ils concluent trois mois d’échanges, de débats, de confrontations -vifs parfois, enthousiasmants souvent, matures tout le temps.
A l’heure où j’écris ces lignes, mes camarades débattent de nos statuts et votent sur ces textes, la règle de vie commune. Je n’y participe pas, non par fainéantise mais parce que je suis présent en tant que membre de la Commission du débat laquelle a déjà instruit ces amendements. Dans l’après-midi, nous avons débattu en ruches des divers ajouts, reformulations, précisions que les adhérents ont fait remonter au cours du mois et demi passé. Ces ruches ont fait mon miel.
A 15 autour d’une table, nous avons pu rentrer dans les détails, bien plus précisément qu’en séance plénière, confronter nos points de vue, faire évoluer nos perceptions. J’aime ce temps du débat en petit groupe, moins propice aux effets de tribune que j’affectionne pourtant.
J’ai aussi pris bien du plaisir à retrouver mes amis et camarades croisés, notamment, au fil des meetings de la campagne des élections présidentielles. Mais aussi ceux que j’ai connus dans mes vies militantes précédentes. C’est aussi cela le bonheur d’un congrès que de retrouver les siens, d’échanger des expériences et, pour les nouveaux, de découvrir des visages souvent esquissés sur des mauvaises photos sur les réseaux sociaux… N’oublions pas que le militantisme est d’abord une aventure humaine.
Et pour un parti qui a participé grandement à l’écriture de l’Humain d’abord, c’est quelque chose qui compte cette humanité. C’est d’ailleurs ce que retrace Jean-Luc Mélenchon dans son discours d’ouverture.
A cette occasion, il a fixé aussi le cap de nos travaux, si besoin en était. Le but du Parti de Gauche était, est et restera la prise du pouvoir par et pour le peuple. « Mais certainement pas pour remplacer le peuple une fois l’élection passée. Mais bien pour que le peuple prenne la place du parti. L’action collective, les assemblées citoyennes, à propos d’écoles, de l’eau, des luttes syndicales, non pour faire parler, mais pour faire agir dans le but d’atteindre des objectifs simples, concrets et qui emmènent vers la prise du pouvoir populaire. »
C’est bien la feuille de route, l’ADN politique du Parti de Gauche, que je retrouve, moi qui a assisté au 1er Congrès du PG à Limeil-Brévannes. J’y ai ajouté, pour ce qui me concerne, la transformation du Parti de gauche en parti de masse, condition essentielle pour atteindre cet objectif.
Les clous sont donc là, dans lesquels nous allons cheminer dans les deux jours qui viennent. Je tâcherai demain, entre midi et deux, de vous en donner un aperçu. D’ici là, vous pouvez lire ce qu’il en est chez Daniel Fleury comme chez A Gauche pour de vrai, que j’ai déjà mentionné.
Mélenchon au Congrès PG • “Nous sommes des militants et nous ferons des marées humaines”
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“Le rugissement. C’est ainsi que la délégation du Parti de Gauche a été accueillie au congrès de la CGT. Sous les sifflets a été souligné le nom seul du Parti socialiste à ce même congrès de la CGT. La différence est donc la convergence que nous réussissons à opérer entre les aspirations populaires et les représentants des travailleurs, des salariés…” C’est par ces mots, prononcés avec la force d’une conviction sans faille, que Jean-Luc Mélenchon entame son discours de clôture de cette première journée du congrès du Parti de Gauche.
Il démontre, tout au long de ce discours ponctué si souvent par les applaudissements des congressistes, à quel point, en à peine 4 ans, ce Parti de Gauche est devenu déjà adulte dans le paysage politique français. Avec lui, grâce à lui, le Front de Gauche, qui n’existait pas avant sa naissance, a rassemblé 4 millions d’électeurs progressistes sur sa force et sa ligne politique.
Le militantisme, qui crée le conflit et donc la conscience, telle est la force première de ce Parti de Gauche qui n’envisage pas une simple concurrence avec un parti socialiste qui troquerait quelques places pour un peu plus de tranquillité. Ce militantisme ambitionne de prendre la place d’un PS qui a déserté l’humain, qui occupe l’espace du libéralisme austère. Alors l’autonomie conquérante est la seule manière de faire, le seul moyen d’aller vers cette révolution citoyenne qui dérange le conservatisme et ses alliés qui hésitent tant pour quelques postes, au ministère, au conseil régional, au conseil municipal.
Jean-Luc Mélenchon, ce soir, veut clairement aller à la conquête du pouvoir. Mais certainement pas pour remplacer le peuple une fois l’élection passée. Mais bien pour que le peuple prenne la place du parti. L’action collective, les assemblées citoyennes, à propos d’écoles, de l’eau, des luttes syndicales, non pour faire parler, mais pour faire agir dans le but d’atteindre des objectifs simples, concrets et qui emmènent vers la prise du pouvoir populaire.
La première tâche du Parti de Gauche est donc de provoquer des marées humaines. Celles auxquelles rien ne peut résister. Ni même la réaction, ni même le conservatisme, ni même l’oligarchie qui maintenant volent l’épargne des peuples qui ont travaillé pour l’acquérir. “En réalité, l’Euro n’est pas seulement une monnaie qui affame, mais il est le lacet qui étrangle le peuple. Alors s’il faut choisir entre le peuple et l’Euro, ce sera le peuple!” lance-t-il avec force. Car en réalité, il démontre avec cette évidence qui rend les choses compliquées évidentes, comment l’Allemagne transforme l’Euro en Mark qui impose sa loi à l’Europe du sud, à l’Europe de la main d’œuvre à bas coût. Mais il ne peut y avoir d’Europe où des maitres dicteraient à l’arc sud de la méditerranée que faire ou ne pas faire.
A l’issue de ce discours, qui annonce comment la révolution citoyenne viendra de l’écosocialisme, elle même portée par les peuples de la méditerranée, A gauche pour de vrai! nous comprenons qu’à ce congrès du Parti de Gauche, beaucoup de l’essentiel se joue pour la gauche toute entière. Alors on lâche rien !
Congrès 2013 • Vendredi 22 mars après-midi
Congrès du Parti de Gauche, retransmis en direct à partir de samedi 23 mars 9h30
Universités • Loi LRU, acte 2
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La loi LRU (Libertés et responsabilités des Universités) a été une des premières lois du mandat de Nicolas Sarkozy. Elle était emblématique des lois votées en juillet 2007 qui posaient les jalons de la régression sociale qui marquerait le quinquennat.
Son objectif principal était de mettre en place l’autonomie des établissements pour les pousser à la concurrence tandis que la pénurie budgétaire favorisait la privatisation du financement des Universités. L’enseignement supérieur avait ainsi vocation à se transformer en marché, au détriment de la qualité de l’enseignement et du droit de tou-te-s à l’éducation. Loin de l’abroger, le gouvernement s’inscrit dans le même cadre pour proposer une nouvelle loi d’orientation sur l’Enseignement supérieur et la Recherche par la voix de la Ministre Fioraso.
Avancées en trompe l’œil
Les annonces ministérielles vantent l’écoute des revendications du monde universitaire et leur prise en compte dans le projet de loi. Les questions de la gouvernance et de l’évaluation des établissements sont marquées par des évolutions qui pourraient passer pour des améliorations. La Ministre avait affirmé que la gouvernance des Universités serait plus collégiale. L’évaluation des établissements ne serait plus confié à l’AERES (agence d’évaluation instituée par la LRU et très fortement contesté par l’ensemble de la communauté universitaire). Ces annonces sont contredites par les faits. La gouvernance n’est pas plus démocratique. Les conseils qui gèrent les Universités continueront à être composés en grande partie par des membres nommés et non plus élus. Pire, alors que seuls les membres élus des conseils participaient à l’élection du président, même les membres non élus pourront désormais le faire (L712-2). Enfin, concernant l’évaluation, l’AERES disparaît mais est remplacée par le Haut Conseil d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (HCERES). Le nom mis à part, on cherche la différence. La méthode est la même que pour la RGPP renommée MAP. On change le nom, pas le fond.
Les grandes orientations de la LRU sont donc confirmées et amplifiées par la loi Fioraso. Celle-ci organise, plus explicitement encore, la subordination progressive du monde académique aux impératifs du secteur privé et de « l’économie ». L’Université reçoit la mission de participer à « la croissance et la compétitivité de l’économie et à la réalisation d’une politique de l’emploi prenant en compte les besoins des secteurs économiques et leur évolution probable » (L123-2). Les établissements doivent s’attacher « à développer le transfert des résultats obtenus vers le monde socio-économique ». Ces dispositions ne sont pas marginales et traduisent bien la vision que le gouvernement a de l’Université (L123-5).
De l’autonomie à la régionalisation
D’ailleurs, l’axe central de la loi LRU, le principe d’« autonomie », est réaffirmé clairement. Les articles de 2007 affirmant que les établissements « sont autonomes » (L711-1) sont repris sans aucune modification. Cette autonomie est même accrue. Le rôle de l’Etat régulateur est encore affaibli : la référence à la « planification » disparaît (L123-2). La responsabilité du Ministère vis-à-vis des universités et de l’ANR reste donc très floue. Avec cette confirmation de la course à l’autonomie toujours plus grande des établissements, ce projet de loi n’apporte aucune réponse aux problèmes des Universités (mise en concurrence, inégalités croissantes entre les établissements) et surtout aux déficits budgétaires apparus avec la LRU. Pour rappel, près de la moitié des 80 universités françaises sont en difficultés, et plus de 20 d’entre elles seront en déficit en 2013.
Dans le même temps, la loi de décentralisation offre la possibilité pour l’Etat de déléguer aux collectivités territoriales ses compétences en matière de construction, reconstruction, maintenance et mise aux normes des locaux des établissements publics d’enseignement supérieur. Nombre d’universités asphyxiées financièrement vont être tentées de solliciter les Régions quitte à accepter de se conformer encore plus à leur vision d’adéquation étroite des formations au marché local immédiat. L’autonomisation tourne donc à la régionalisation. Encore plus avec la création de la communauté d’université (CU), qui remplace le PRES. Le regroupement des établissements, jusque là encouragé, est désormais obligatoire. C’est au niveau des regroupements d’universités (fusion ou Communauté d’université) que se fera désormais la contractualisation avec l’Etat. Ces CU pourraient regrouper des Universités publiques, mais aussi des établissements privés voire confessionnels. La distinction privé-public disparaitrait. La laïcité avec.
Les attaques du gouvernement précédent contre l’Enseignement Supérieur et la Recherche ont répandu la précarité dans ce secteur de la fonction publique. 50 000 précaires sont aujourd’hui indispensables au bon fonctionnement des Universités et de la recherche française. Rien dans cette loi n’est prévu pour les titulariser et donc résorber cette précarité. L’application de la loi Sauvadet (CDIsation et titularisation des CDD employés sur des fonctions pérennes) n’est même pas évoquée. De plus les créations de postes annoncées par la Ministre sont insuffisantes. Les 1 000 postes annoncés ne compenseront pas les 3 000 supprimés entre 2008 et 2012 et ne sont même pas à la hauteur des 1 500 postes actuellement gelés dans les Universités.
L’Université à la diète
Le 4 février 2013, François Hollande réaffirmait un de ses engagements de campagne : « j’ai décidé de sanctuariser le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche en 2013 ». Le budget voté en décembre était en hausse de 2,2 % par rapport à celui de 2013. Mais cela ne tient plus. Suite au rappel à l’ordre de Bruxelles, les « bons élèves » de Bercy ont tranché. 250 M d’€ de crédit de l’ESR sont gelés en 2013. L’augmentation du budget 2013 est ainsi ramenée à 1,1 %. Soit largement moins que l’inflation (2%). La Ministre Fioraso s’était engagée à ce que les coupes budgétaires épargnent les budgets récurrents des Universités. Pourtant des dotations de fonctionnement d’Université sont déjà revues à la baisse. Pour l’Université de la Réunion, cela représente 900 000 € en moins.
Cette loi s’inscrit donc dans un objectif d’austérité. C’est une loi d’orientation et non de programmation, aucun budget pluriannuel n’est prévu pour accompagner sa mise en œuvre. Rien n’est dit sur la manière dont les Universités vont pouvoir se financer pour résoudre leurs problèmes budgétaires qui dégradent fortement aujourd’hui les conditions d’études et de travail. Pour dégager des budgets, il n’est pas innocent que la loi souhaite favoriser le développement du numérique, qui permet de diminuer le ratio enseignant/étudiants, mais aussi de produire des ressources de formation que l’on peut ensuite monnayer largement. Si cette marchandisation des savoirs ne suffit pas, les Universités devront faire porter sur les étudiants et leurs familles la charge financière, en rupture avec le droit à l‘éducation pour tous et en favorisant l’endettement étudiant dans un processus étudié par le livre de François Delapierre1 qui vient de paraître.