Manipulations financières à la SAUR : il est temps de faire un service public !

Si, Monsieur Hollande, la finance a des noms, des visages et des adresses. En l’occurrence, il s’agit ici de Hime, société-mère de la SAUR, l’entreprise d’eau potable qui connaît de graves difficultés financières. Pourquoi ?

Lbo

Pratiquant une technique assez coutumière du capitalisme financier, les actionnaires de la Hime ont voulu augmenter leur participation dans leur propre holding en faisant financer l’opération par les entreprises affiliées. Cela s’appelle le leverage buy out (LBO). Nom barbare pour pratique barbare. Pratique par ailleurs largement responsable de la crise de 2008.

Et c’est justement cette crise qui a contrecarré les plans de ces actionnaires. Ils se sont en effet retrouvés dans l’incapacité de rembourser leur recapitalisation. Voilà comment la SAUR se retrouve punie par l’endettement de sa maison-mère.

Saur C’est pourquoi les banques se battent pour reprendre la SAUR. Il s’agit de sauver un système. La négociation actuellement tourne autour du montant de la dette qui sera transférée de la maison-mère à la filiale ! N’en doutez pas, cette dette se retrouvera directement dans les factures d’eau des usagers soumis à la SAUR dans le cadre de délégations de services publics.

Il ne s’agit pas pour nous ici de défendre cette société. Vous savez ce que le Parti de Gauche pense des entreprises qui font des bénéfices sur un bien commun, et plus encore des élus qui le permettent en favorisant une délégation au privé plutôt qu’une gestion en régie publique alors que la compétence des salariés serait la bienvenue dans un mode public de gestion.

Il est de la responsabilité des gouvernements, surtout si celui-ci se prétend de gauche, de ne pas laisser dilapider ce savoir tout en préservant l’intérêt général. Cette funeste histoire, qui a conduit les syndicats de salariés de la SAUR à interpeller directement le Président de la République François Hollande, aurait dû permettre à celui-ci de siffler la fin de la récréation. Au lieu de quoi, la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) fait partie du tour de table financier pour reprendre la SAUR. Or, la CDC est actionnaire de Suez et partenaire de Veolia avec laquelle elle co-dirige une société de transports (Veolia-Transdev), qui sont les 2 principaux concurrents de la SAUR ! La concurrence était pourtant déjà largement faussée (je rappelle ici que Suez a déjà été condamnée à payer 8 millions d’euros pour entrave à l’enquête de la Commission européenne sur la réelle concurrence entre Veolia, Suez et Saur). Voilà qui ne va rien arranger. Ce pourrait être cocasse si tout ceci ne se faisait pas au détriment des usagers et des salariés de ces entreprises.

Il est temps de faire revenir cette activité humaine détenue par des financiers et des banquiers d’affaires dans le service public. Ainsi, nous garderions le savoir-faire, protégerions le statut des salariés de l’eau et gérerions ce bien commun indispensable à la vie dans le seul et unique but de servir l’intérêt général.

Paris-Lacs de l’Essonne : un accord historique !

Eaupotable 

Mercredi, lors du Conseil d’agglomération, et après l’avoir présentée hier soir au Conseil d’exploitation de la Régie publique Eau des Lacs de l’Essonne, je présenterai la convention d’achat d’eau entre Eau de Paris et notre régie, non sans réelle émotion. Je n’ai pas peur du mot : elle est historique.

Cette convention va permettre d’inscrire dans la durée ce partenariat public/public, puisque la convention s’étend sur une durée de 30 ans renouvelable. Pendant 3 décennies, Viry-Chatillon dès 2014 et Grigny à partir de 2018 pourront bénéficier d’une eau de source, dont le captage fait l’objet d’une gestion écologique, à un coût défiant toute concurrence. Anne Le Strat, la Présidente d’Eau de Paris, a pris toute sa part dans ce travail pour que nous le menions à bien. Je tiens à l’en remercier.

  Le passage en gestion publique de l’eau avait déjà permis de baisser les factures de plus de 30%, bien que nous continuions d’acheter de l’eau à une entreprise privée. Désormais, tout le processus sera public. Du captage à la facturation, en passant par le traitement, le transport et l’entretien, tout est public. Donc tout est à prix coûtant. La conséquence est directe, concrète : l’achat d’eau se fera à moitié prix par cette convention avec Eau de Paris. Cela nous permettra de dégager de nouvelles marges de manœuvre pour moderniser le réseau de distribution et améliorer le rendement de ce dernier.

Il ne reste plus désormais qu’à finaliser l’interconnexion sur l’aqueduc du Loing, ce qui interviendra en février 2014. Ainsi, tous ceux qui auront tout tenté, parfois au-delà même de ce que j’estime être les limites légales (d’où la plainte déposée à l’encontre de la filiale de la Lyonnaise des Eaux et du cabinet Vae Solis), auront échoué. L’intérêt général aura prévalu. L’intérêt des usagers l’emporte sur les profits des actionnaires. Chez nous, l’eau est totalement un bien commun et jamais une marchandise.

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Crédit photo photosdegauche.fr (alexis_cesar)

Le FN : des membres de l’oligarchie au service des puissants

A chaque nouveau renoncement le PS perd du terrain, comme le montre bien toutes les dernières législatives partielles. Alors que c’est l’abstention qui est la grande gagnante, certains médias voudraient nous vendre le FN comme alternative, quelques rappels s’imposent pour démasquer ceux qui ne sont que les idiots utiles du système. Derrière les mots d’ordre opportunistes du FN, abaissons les masques : ils sont par eux-mêmes et par leurs prises de positions politiques les représentants de l’oligarchie et contribuent à maintenir le système en place ! Leurs discours changent avec le vent et leurs mensonges ne résistent pas à la réalité des faits.

1) Des votes qui ne trompent pas : au service du patronat !

L’élection de deux députés FN à l’assemblée est l’occasion d’éclairer les choix politiques réels du FN.

Marion Maréchal Le Pen a déposé plusieurs amendements à l’assemblée, notamment contre l’amnistie sociale et contre l’interdiction des licenciements boursiers. Dans le débat sur la loi de finance, elle dépose avec Gilbert Collard des amendements visant à diminuer les impôts des grandes entreprises. Sur les contrats de générations, ils défendent même un amendement qui supprime les pénalités financières pour les grandes entreprises…
Quant au Front national, les masques sont tombés lors du décès de Thatcher dont le FN salue la mémoire de celle qui a cassé les syndicats de travailleurs ou encore les services publics anglais. Marine Le Pen s’oppose même à la hausse du SMIC, à la baisse des loyers ou à la retraite à 60 ans.

2) Une dynastie riche à million !

Les Le Pen sont loin d’être des plébéiens: Jean-Marie Le Pen a su faire de riches mariages et surtout des héritages impressionnants : l’héritage Lambert s’est élevé à 30 millions de francs. Son patrimoine c’est aujourd’hui notamment le manoir de Montretout à Saint Cloud dans l’ouest parisien estimé à 6,5 millions d’euros, une maison à La Trinité en Bretagne (estimée à 1 million d’euros) et 50% d’une marque de champagne (chiffre d’affaires de 10 millions d’euros). Mais c’est aussi des arrangements financiers complexes : toutes les propriétés des Le Pen sont gérées en SCI (société civile immobilière) et les parts redistribuées à la famille pour payer moins d’impôts. Les le Pen sont assujettis à l’ISF et paient de mauvaise grâce. D’ailleurs Jean-Marie Le Pen a connu de nombreux redressements fiscaux, en 2005, le conseil d’Etat estime les sommes dues à 750 000 euros, dette effacée par le médiateur de Bercy. Comme quoi, on sait s’entendre avec le système chez les Lepen quand il s’agit d’argent !
Marine le Pen, vraie professionnelle de politique, ne fait pas qu’hériter le parti de son père, elle peut aussi cumuler les indemnités de députée européenne, conseillère régionale, conseillère municipale et présidente du FN.

N’oublions pas que c’est un très proche de Marine Le Pen qui a ouvert le compte suisse de Cahuzac ! Marine Le Pen a le même avocat que les plus grands fraudeurs de la République ! Elle l’a su avant mais n’a rien dit…

3) Un FN clientéliste et magouilleur

Partout où il a été aux affaires, le FN s’est rapidement retrouvé empêtré dans des affaires, à l’opposé de son slogan mensonger « tête haute, mains propres » !
La liste des magouilles serait trop longue, retenons les principales :

Daniel Simonpiéri et Bruno et Catherine Mégret ont quitté le FN pour créer le MNR en 1998.L’un de leur principaux soutiens était alors Steeve Briois, suppléant de Marine Le Pen à Hénin-Beaumon en 2012 et secrétaire général du FN. A Toulon comme à Vitrolles, les maires FN sont déclarés inéligibles et c’est leurs femmes qui se présentent ensuite à la mairie.

Ainsi, dans tous les cas, la gestion des mairies est désastreuse et conduit rapidement à des hausses d’impôts et un endettement important, tandis que des pans entiers de politique municipale comme la jeunesse sont à l’abandon. L’arrêt de toute politique de prévention conduit même à l’explosion de l’insécurité.

4) Un FN, une extrême droite en eaux troubles : ses liens directs avec les membres violents des droites radicales

L’assassinat de Clément Méric a remis en lumière les activitiés des groupuscules d’extrême-droite mais une certaine presse complaisant a choisi de taire leurs liens directs avec le FN. Et pourtant, les JNR, Troisième Voie et d’autres groupuscules ont bel et bien assuré le service d’ordre de la campagne de Marine Le Pen en 2012 pour les présidentielles. Serge Ayoub et ses accolytes sont bien venus la soutenir sur le marché de Hénin-Beaumont pour les législatives. Serge Ayoub et Marine Le Pen ont même déjà déjeuné ensemble… Même les images du petit journal le prouvent !

Rail • Une réforme ferroviaire euro-compatible

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Le ministre des transports a présenté le 29 mai les grandes lignes de la réforme ferroviaire au Conseil des ministres. Cette réforme veut créer un GIU ou « Gestionnaire d’infrastructures unifié » qui englobera dans un Etablissement public à caractère industriel et commercial unique (EPIC) Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF après qu’ils aient été divisés au nom de la concurrence. A première vue, on pourrait s’en réjouir. Le gouvernement Ayrault est il enfin sur la voie de la résistance aux injonctions de Bruxelles ? Ce serait extraordinaire, et pour tout dire inespéré. Depuis leur arrivée à la tête du pays, grâce aux voix du Front de Gauche, pas plus le gouvernement que le Président n’ont brillé par leur combativité vis à vis des diktats de la commission. Car cette séparation inepte entre gestionnaire d’infrastructure et exploitant est l’application d’une directive européenne de 1991, puis du premier paquet ferroviaire de 2001.

L’effet nocif de la séparation, en 1997, de la SNCF chargée d’exploiter les lignes et de RFF, propriétaire du réseau n’est plus à démontrer : dette croissante de RFF, désorganisation des services et des missions des cheminots, pression sur leurs conditions de travail. C’était le prix à payer pour « moderniser le système ferroviaire ». Il fallait permettre une concurrence « libre et non faussée » pour permettre aux opérateurs privés de prendre une partie du gâteau. D’où la nécessité de séparer le gestionnaire de l’infrastructure du transporteur. Il s’agissait ni plus ni moins de remettre en cause le monopole de la SNCF sur le transport ferroviaire.

On connait la suite : le fret ferroviaire a été ouvert à la concurrence en 2003, et le transport international de voyageurs en 2009. Le transport ferroviaire de marchandises a reculé au profit du transport routier. En 2005, soit l’année précédent l’ouverture à la concurrence, la part du ferroviaire était de 10,9%, en 2010, elle n’était plus que de 8,6 % ! Merveilleuse logique qui aboutit à défaire un service au lieu de le conforter ! Et ce n’est qu’une étape, car le transport de voyageurs est lui aussi promis à ce bel avenir.

Il faut se souvenir de l’exemple britannique, qui est en matière ferroviaire le cas d’école de ce qu’il ne faut pas faire. La privatisation de British Rail et de Railtrack sous le gouvernement conservateur de John Major a eu des effets absolument désastreux : flambée des tarifs, baisse drastique des investissements et inévitablement désorganisation majeure qui aboutit à une inefficacité et une insécurité globale du système ferroviaire britannique.

Or, que ce soit par idéologie, par aveuglement, ou par connivence avec les milieux des affaires qui ont leurs entrées à Bruxelles, la Commission Européenne ne renonce pas à imposer ce modèle libéral aux transports. Elle a adopté le 30 janvier dernier le 4e paquet ferroviaire dont l’idée directrice est l’adhésion forcenée à ce modèle destructeur. Ainsi, il s’agit dans le vocabulaire de la Commission d’ériger des « murailles de Chine » entre gestionnaire du réseau et exploitant, c’est à dire d’interdire leur réunification sous une même entité. C’est pourtant un préalable essentiel à toute réforme ferroviaire qui vise une planification écologique des transports ainsi que la satisfaction des besoins sociaux de mobilité.

Plus encore, la Commission, qui en matière de dogmatisme et de rigidité n’a plus rien à prouver, veut interdire que les appels d’offre puissent se faire de façon globale ou par zones géographiques. C’est ligne par ligne que l’attribution des marchés d’exploitation devra se faire. On imagine assez bien ce qui va se passer : les compagnies ferroviaires privées garderont les lignes rentables tandis que les autres seront supportées par l’Etat, voire les Régions, si elles le peuvent. Un tel éclatement rend toute péréquation absolument impossible, condamnant à terme certaines lignes pourtant structurantes en matière d’aménagement du territoire.

Encore récemment, dans ses « recommandations » à la France faites en échange d’un délai pour ramener le déficit à 3% du PIB, la Commission exigeait que le France ouvre le transport ferroviaire intérieur de passagers à la concurrence. Il s’agit ni plus ni moins de déconstruire le service public afin de permettre aux groupes privés de tirer le maximum de profit pour alimenter le fantasme du retour à la croissance.

Voilà le contexte. Quelle est la réponse du gouvernement ? Réintégrer RFF et SNCF, excellente idée ! Encore faut-il réellement le faire. Car il s’agit en réalité d’une réforme euro-compatible que Cuvillier nous présente là. L’usine à gaz que prépare le ministre n’est qu’une demie réponse aux enjeux du ferroviaire. Il faut tout d’abord noter que le ministre accomplit le tour de force d’unifier tout en maintenant la séparation. En effet, ce GIU (Gestionnaire d’infrastructures unifié) créé est un nouvel Etablissement public à caractère industriel et commercial qui se superpose aux deux EPIC existants que sont RFF et SNCF sans les refondre en un seul et même établissement, ce qui aurait pourtant été la solution de bon sens qu’un gouvernement du Front de Gauche aurait adoptée. Ce GIU maintient donc la séparation et n’impose aucune intégration. Il sera dirigé par un directoire bicéphale, co-présidé par les PDG des deux établissements maintenus séparés. Un conseil de surveillance sera chargé de trancher les désaccords. On lui souhaite bien du courage, car une telle organisation ne manquera pas de les multiplier.

Mais pire encore, cette réforme ferroviaire reste dans les clous de la feuille de route fournie par la Commission. Elle ne remet absolument pas en cause l’objectif de l’ouverture à la concurrence du transport intérieur de voyageurs, prévue pour 2019, donnant ainsi satisfaction à l’injonction de l’euro-technocrate Barroso.

Le statut des cheminots que les libéraux rêvent de faire sauter est lui aussi en danger. En assurant les droits des travailleurs, il permet un service public de qualité. Mais dans une société de concurrence, il est une entrave à faire sauter. Tout en affirmant vouloir le conserver, le gouvernement fait l’inverse, car il annonce qu’il sera complété d’une convention collective qui définira l’organisation et l’aménagement du temps de travail, respectant ainsi les préconisations du rapport Bianco qui appelaient à une augmentation de la productivité des salariés du secteur. Derrière la formulation de « continuité du service public » il est à craindre que soit visée la limitation du droit de grève. C’est encore une fois un recul en matière de droit des salariés qui s’annonce.

Une véritable réforme qui réponde aux enjeux écologiques et qui soit utilement sociale devrait commencer par sortir le ferroviaire de la logique de profitabilité pour l’orienter vers une logique de service public. Elle devrait réaffirmer le rôle souverain de l’Etat afin de permettre une véritable planification écologique du développement du transport ferroviaire.

Crédit photo photosdegauche.fr (michel_soudais)

Gaz de schiste • Reprendre le combat pour le climat

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L’offensive en faveur des gaz et huiles de schiste reprend de plus belle. Pilotée par les lobbies et le Medef, relayée par l’Union européenne et désormais par le Parlement français, partout c’est la même rengaine : la sacro-sainte « compétitivité » passe avant l’intérêt général et les écosystèmes. Le 6 juin, les parlementaires PS (Bataille) et UMP (Lenoir) ont publié l’attendu rapport de l’Office d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) pour des alternatives à la fracturation hydraulique interdite par la loi de juillet 2011. Il préconise une fracturation hydraulique « propre »… Un contre-sens écologique total. Un, la fracturation hydraulique ne sera jamais une technique propre, les experts de Total eux-mêmes l’ont reconnu. Deux, à l’heure où l’enjeu véritable de la transition énergétique est de réduire notre consommation d’énergies fossiles et de lutter contre le dérèglement climatique, le rapport ne préconise rien de moins que d’accélérer dans cette voie ! Le comble du cynisme est atteint lorsque le rapport préconise de financer la transition écologique à l’aide des gaz de schiste.

Quand ces gens comprendront-ils enfin que le problème ne concerne pas que l’extraction, mais aussi les émissions de gaz à effet de serre dégagées à l’usage notamment par le méthane ? Quand comprendront-ils que nous sommes en train de nous condamner nous-mêmes, l’humanité toute entière telle que nous la connaissons, croissance et compétitivité avec ? Car bien sûr l’argument de la croissance économique est mis en avant, aussi bien par la patronne du Medef que par le Conseil européen qui a, lors du sommet du 22 mai, rouvert la porte aux gaz de schiste au nom de la compétitivité. Et pour mieux surfer sur l’austérité imposée, ils inventent des « contreparties financières » proposées via la réforme du Code minier pour acheter le consentement des collectivités et des propriétaires des terrains à creuser.

Il faut en finir avec l’illusion de réserves abondantes qui permet de continuer comme avant sans penser le changement. Il est au contraire urgent de se désaccoutumer. On pourrait décider de continuer à forer, racler le sable et faire des trous partout. Mais le climat nous rappelle que ce n’est pas la solution. Il n’existe pas de solution magique. Il n’y a pas d’énergie propre. Mais on peut limiter les dégâts, bifurquer : réduire nos consommations par la sobriété et l’efficacité, développer les renouvelables. On en a le devoir.

15 juin 1963

Le 15 juin 1963, Carrefour ouvre le 1er hypermarché français à Sainte-Geneviève-des-Bois en Ile-de-France. Le magasin fait plus de 2600 m2 et compte 400 places de parking, une pompe à essence et de grands chariots à roulettes. C’est surtout la première fois qu’un magasin propose une aussi large variété de produits sous une même enseigne et dans le même magasin : des produits frais, de l’épicerie, du bazar, du textile et de l’électroménager.

Présenté comme un nouveau modèle de commerce « tout sous le même toit » le fonctionnement de ces « usines à vendre » repose sur un modèle de gestion spécifique : le large assortiment et choix de produits, associé à de nouvelles techniques de marketing (diffusion de musique dans les rayons) pousse à la consommation. L’importance des volumes traités permet de réduire les coûts de structure et de fonctionnement par rapport aux commerces traditionnels. Ces économies d’échelles autorisent des réductions des prix de vente sans entamer les marges. Enfin ces usines situées en périphérie des villes bénéficient de voies d’accès et de parkings qui favorisent un fort taux de fréquentation.

Le modèle est rapidement suivi par les concurrents de Carrefour et l’on compte plus de 12 000 magasins de grande distribution (hypermarchés et grand commerces spécialisés) en 2009. Au delà d’un nouveau mode de consommation, c’est tout un système économique qui est perturbé. Les producteurs (notamment dans l’agro-alimentaire) sans marge de négociation face à la position dominante des grandes enseignes dans le réseau de distribution, sont soumis à la concurrence de l’importation malgré son coût écologique. La politique de l’offre qui y est développé nécessite sans cesse de nouvelles réductions de coût dont les travailleurs de la grande distribution (plus de 600 000, majoritairement des femmes) sont les premières victimes : bas salaire, temps-partiel imposés, travail le dimanche… De plus en plus grands, ces magasins poussent au développement de zones commerciales en périphérie des villes modifiant profondément le rapport à la ville et favorisant le « tout voiture ». La grande distribution apparaît comme le versant commercial d’un modèle économique socialement et écologiquement insoutenable.

Démocratie d’apparat !

Pour Raquel Garrido, Charlotte Girard et Clément Sénéchal du Parti de gauche, la concentration du pouvoir entraîne l’« inconstance » et l’« inconséquence » de l’exécutif, poussant les citoyens à préférer l’abstention. Afin de « restaurer de la responsabilité politique », ils souhaitent l’élection d’une Assemblée constituante pour jeter les bases d’une VIe République « démocratique, écologique et sociale ».

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L’esprit de la République s’est perdu. Forgé par les Lumières, affermi par les partisans de l’égalité, brandi par les Révolutions, il n’est aujourd’hui que le masque froid, duplice et pathétique du président de la Ve République. Césarisme, bonapartisme, présidentialisme… les variations sont nombreuses pour nommer l’essence monarchique d’un régime où le pouvoir exécutif est concentré dans les mains d’un seul homme. La mystique fallacieuse de l’homme providentiel, du père de la nation, des grands hommes dans l’Histoire ne doit plus faire illusion : le paternalisme de la Ve République française génère une infantilisation croissante de la cité doublée d’une dépossession politique des citoyens.

Une fois élu, au terme d’une campagne tronquée par la présélection sondagière et médiatique, le candidat officiel transfiguré par les ors vénérables de la République n’est plus responsable devant personne. Il nomme le Premier ministre et les membres du gouvernement et décide de leur sort. Il choisit le président du Conseil constitutionnel ainsi que ceux de nombreuses autres institutions, de l’Opéra de Paris à France Télévision : autant de sémillants commis qui forment sa cour personnelle. Il dicte les projets de loi. Il peut à sa guise dissoudre l’Assemblée, seule instance de la représentation nationale également désignée directement par le suffrage universel. L’article 5 de la Constitution dispose qu’il assure « le fonctionnement des pouvoirs publics et la continuité de l’État ». L’article 16 lui octroie les « pleins pouvoirs » en cas de crise. Il n’est cependant pas responsable devant le Parlement, qui ne peut le mettre en cause. Il n’est pas responsable non plus devant la Justice, du fait de l’immunité pénale et civile dont il jouit. Il n’est enfin pas responsable devant le peuple, qui n’a plus aucune prise sur lui hors des élections présidentielles et seulement en cas de renouvellement de son mandat.

Le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ayant subordonné le sort de la majorité parlementaire à celui du président de la République, le Parlement a abdiqué dans la pratique les dernières prérogatives qui lui restaient. Il n’a plus les moyens de faire les lois, dont 90% environ émanent aujourd’hui de l’exécutif. Son droit d’amendement ? Il confine au simulacre. Quant à l’ordre du jour des assemblées, il demeure malgré la réforme de 2008 largement corseté par les choix d’un gouvernement qu’il ne contrôle ni même n’influence. L’affaiblissement dramatique du pouvoir législatif, accéléré par les transferts de souveraineté concédés aux instances européennes, explique ainsi la désertion chronique dont souffre notre hémicycle –certes largement aggravée par le cumul des mandats.

Cette concentration délirante du pouvoir au « sommet de l’État » se traduit par deux phénomènes tragiques pour la continuité démocratique du pays.

Le premier : l’inconstance et l’inconséquence. A quoi bon en effet les propositions de campagne, quand, parvenu au pouvoir, il est si facile de gouverner sans la volonté populaire ? A quoi bon étudier les programmes politiques et confronter des idées, quand la fonction présidentielle exonère son titulaire de ses engagements ? A quoi bon respecter l’intérêt général, puisqu’il n’a pas les moyens de s’exprimer ? Dans la Ve République, un bulletin de vote équivaut à un chèque en blanc. D’où la confondante parenté des politiques menées malgré l’alternance. Et les désillusions qui s’accumulent en conséquence dans la société.

Qui pourrait distinguer aujourd’hui la politique économique menée par Hollande de celle jadis mise en œuvre par Sarkozy ? L’une comme l’autre appartiennent au logiciel néolibéral. Qu’il suffise de rappeler qu’Hollande a adopté le traité européen (TSCG) paraphé par Sarkozy, malgré sa promesse de renégociation –alors que la souveraineté du peuple était pourtant directement mise en cause par ce texte. Qu’il suffise de rappeler qu’en 2007, le candidat Sarkozy avait promis de ne pas toucher au régime des retraites : il ne se gênera pourtant pas pour lui porter de funestes coups de boutoir une fois élu, malgré l’opposition massive de la rue. Rebelote cinq ans plus tard avec François Hollande, qui s’apprête à détricoter un peu plus le régime par répartition pour complaire aux ordres de la Commission européenne que personne n’a élue. Les promesses du candidat Hollande n’ont servi qu’à s’assurer les voix de ceux qui avaient combattu Sarkozy pour la défense de la retraite à 60 ans. Qu’il suffise enfin de rappeler que le candidat Hollande avait promis de préserver Florange. Comme le candidat Sarkozy avait promis de sauver Gandrange.

Mais le mensonge n’atteint jamais le président de la Ve République. Quand l’un de ses ministres abuse la nation, les yeux dans les yeux, en bloc comme en détail, lui n’en est guère affecté. A peine concède-t-il une ou deux conférences de presse. A des degrés divers, cette irresponsabilité tend à irriguer tout le personnel politique, conglutiné en oligarchie. Quand les reniements se mêlent au mensonge, emblème d’un régime à la fois autoritaire et tristement baroque, comment s’étonner du discrédit dont souffre la parole politique ?

Ors_republique On en vient ainsi au second phénomène : l’abstention grandissante à tous les scrutins, signe d’une dérive inexorable vers l’inexistence civique d’un nombre toujours grandissant de personnes, à commencer par les ouvriers. Depuis 1995, l’abstention au second tour de l’élection présidentielle oscille autour de 20% du corps électoral. Quant à l’abstention aux élections législatives, poumons de la démocratie représentative, elle progresse régulièrement depuis 1993 pour se porter en 2012 au chiffre inouï de 42,8% (!). Sans parler des élections européennes, où l’abstention a culminé en 2009 à 59,37% ! Pour sa part, le vote blanc –hélas considéré comme nul par nos institutions– atteignait 6% du corps électoral lors du second tour de la présidentielle en 2012, soit plus de 2 millions de personnes. Un record. La Ve République ne parvient plus ni à capter l’expression politique de la majorité des citoyens, ni à stimuler l’engagement du peuple dans les affaires de la cité. Les premières victimes sont les ouvriers, désormais 70% à s’abstenir de voter. Démocratie d’apparat.

Il est urgent de changer de régime, de retrouver une République compatible avec l’expression régulière de la volonté générale. Pour cela, il convient d’abord de restaurer de la responsabilité politique, sans quoi n’importe quel édifice humain se trouve sans fondement. Nous proposons à cet effet la possibilité pour les citoyens de convoquer un référendum révocatoire à tous les niveaux du système politique représentatif. Déjà inscrite dans de nombreuses Constitutions, cette disposition permet aux électeurs, après demande par pétition d’un nombre significatif d’entre eux, de soumettre la révocation de leurs élus à référendum. Cette possibilité pourrait être ouverte au plus tard à partir de la mi-mandat. Elle permettrait….Lire la suite sur le blog des invités de Médiapart

Occupation du magasin Virgin à Strasbourg

Virgin_strasbourg_001 Les 22 employés de Virgin-Strasbourg occupent leur lieu de travail depuis l’annonce le 12 juin de la fermeture définitive des 26 magasins Virgin en France.

Ils ont organisé samedi en fin d’après-midi « un apéro de la résistance » devant leur magasin pour faire entendre leur voix et demander le soutien des Strasbourgeois et de toutes les organisations politiques et syndicales présentes. Ils ont pu à cette occasion s’entretenir longuement avec notre camarade François Delapierre, secrétaire national du PG, présent à Strasbourg.

Il faut savoir que c’est la gestion calamiteuse de l’entreprise, toute entière tournée vers la satisfaction immédiate des actionnaires (recherche exclusive de la profitabilité instantanée) qui jette ces salariés, pour la plupart payés au SMIC, dans la précarité et l’incertitude du lendemain. Une gestion à court terme et sans ambition en matière de politique culturelle combinée à une incapacité d’analyser la mutation du secteur de la culture et du numérique, en particulier l’émergence de grands groupes de vente en ligne tels Amazon qui méprisent le droit du travail et des salariés.

Ils ne « demandent pas la lune » mais simplement à être traités dignement. Nous avons tous en mémoire ce qu’ils ont eux mêmes qualifié de « soldes de la honte » et au cours desquels des clients se sont livrés à des violences sur les employés.

Nous leur donnons la parole sur notre site en reproduisant intégralement leur communiqué et nous les assurons de notre soutien plein et entier.

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Communiqué des salariés de Virgin Strasbourg

Suite au communiqué de Madame Christine Mondollot après l’expulsion des salariés, suite à la fermeture définitive des magasins Virgin le 12/06 à 14h, nous, salariés, occupons désormais les locaux et revendiquons :

le paiement des jours de grève pour chaque salarié,la restitution de l’argent des soldes (7 millions d’euros) inclus dans un plan social de minimum 15 millions d’euros,la participation financière au PSE du groupe Lagardère, actionnaire historique du groupe Virgin Mégastore et principal responsable de l’échec de Virgin,une table ronde avec Maître Lévy (mandatrice et liquidatrice judiciaire) et les différents représentants des salariés Virgin,l’annonce du gain de chaque salarié au terme du licenciement,l’arrêt de la désinformation de la part de la direction faite dans le but de saper les futures actions des salariés,des excuses publiques de la direction.

Occupation du magasin Virgin à Strasbourg

Virgin_strasbourg_001 Les 22 employés de Virgin-Strasbourg occupent leur lieu de travail depuis l’annonce le 12 juin de la fermeture définitive des 26 magasins Virgin en France.

Ils ont organisé samedi en fin d’après-midi « un apéro de la résistance » devant leur magasin pour faire entendre leur voix et demander le soutien des Strasbourgeois et de toutes les organisations politiques et syndicales présentes. Ils ont pu à cette occasion s’entretenir longuement avec notre camarade François Delapierre, secrétaire national du PG, présent à Strasbourg.

Il faut savoir que c’est la gestion calamiteuse de l’entreprise, toute entière tournée vers la satisfaction immédiate des actionnaires (recherche exclusive de la profitabilité instantanée) qui jette ces salariés, pour la plupart payés au SMIC, dans la précarité et l’incertitude du lendemain. Une gestion à court terme et sans ambition en matière de politique culturelle combinée à une incapacité d’analyser la mutation du secteur de la culture et du numérique, en particulier l’émergence de grands groupes de vente en ligne tels Amazon qui méprisent le droit du travail et des salariés.

Ils ne « demandent pas la lune » mais simplement à être traités dignement. Nous avons tous en mémoire ce qu’ils ont eux mêmes qualifié de « soldes de la honte » et au cours desquels des clients se sont livrés à des violences sur les employés.

Nous leur donnons la parole sur notre site en reproduisant intégralement leur communiqué et nous les assurons de notre soutien plein et entier.

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Communiqué des salariés de Virgin Strasbourg

Suite au communiqué de Madame Christine Mondollot après l’expulsion des salariés, suite à la fermeture définitive des magasins Virgin le 12/06 à 14h, nous, salariés, occupons désormais les locaux et revendiquons :

le paiement des jours de grève pour chaque salarié,la restitution de l’argent des soldes (7 millions d’euros) inclus dans un plan social de minimum 15 millions d’euros,la participation financière au PSE du groupe Lagardère, actionnaire historique du groupe Virgin Mégastore et principal responsable de l’échec de Virgin,une table ronde avec Maître Lévy (mandatrice et liquidatrice judiciaire) et les différents représentants des salariés Virgin,l’annonce du gain de chaque salarié au terme du licenciement,l’arrêt de la désinformation de la part de la direction faite dans le but de saper les futures actions des salariés,des excuses publiques de la direction.

Virgin suicide

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Delapierre_virgin_strabsbourg En plus, le Nouvel Obs payait le billet de train ! Samedi dernier, alors que j’étais de passage à Strasbourg pour débattre de la Sixième République à l’invitation du journal de l’ex-deuxième-gauche (ou deuxième-ex-gauche ? on s’y perd), j’ai rendu visite à quelques mètres de là aux salariés du Virgin en grève.

Qu’est-ce que Virgin ? Si vous tapez « patron Virgin » sur Internet, vous tomberez sur le fondateur de la marque, le médiatique Richard Branson, un boss chevelu et sans cravate, donc un gars supercool. Seulement Branson n’a plus une seule action des magasins Virgin. Il a tout revendu. Il continue néanmoins à toucher des dizaines de millions de royalties des magasins français car il est resté propriétaire de la marque. Son activité concrète pour les magasins Virgin consiste à ne rien faire sinon quelques clowneries occasionnels pour les médias (par exemple se déguiser en hôtesse de l’air de sa compagnie d’aviation). La société tiroir-caisse qui recueille le fruit de cette épuisante sinécure a quitté en 2011 la Grande-Bretagne, un pays que chacun sait adepte de la terreur fiscale, pour s’installer en Suisse. Branson, vit lui, dans les Caraïbes. C’est plus tendance.

A qui Branson a-t-il revendu les magasins Virgin ? Tenez-vous bien, à Arnaud Lagardère. On se doute que l’histoire ne pouvait pas bien tourner. Cet éminent membre du Lucky Sperm Club (dixit Warren Buffet) coule tout ce qu’il touche avec un égal bonheur. Il lui aura fallu 10 ans seulement pour dilapider l’héritage aéronautique de Papa qu’il a abandonné au grand soulagement de tous en revendant ses actions EADS récemment. Il n’est pas pour autant sur la paille ! Lagardère réalise après chacun de ses échecs de belles plus-values défiscalisées, avec le soutien de l’Etat français. Mais comme on le sait, l’Etat ne peut pas tout… à la fois. Sauver Lagardère, Airbus ou les salariés de Virgin, cela fait trop et il a choisi.

130109_manif_virgin_1Aujourd’hui, Lagardère n’a plus que 20% des actions Virgin. Ce courageux entrepreneur a commencé à se désengager dès les premières difficultés en revendant ce qu’il pouvait au fonds d’investissement Butler Capital Partners. C’est un fonds français, je le précise bien cela constitue sans doute une tare à ses yeux vue l’appellation qu’il s’est choisie. On dit souvent ce fonds « moins agressif » que les autres. En effet, il paraît qu’il reste sept ans en moyenne au capital d’une entreprise avant de la revendre, contre trois à cinq pour le reste de la profession. Sept ans, c’est une éternité pour la finance qui compte en nanosecondes et pas en temps humain. Virgin aura donc tenu 6 ans jusqu’à la liquidation judiciaire. Champagne !

Alors qu’est-ce donc que Virgin ? Un emblème publicitaire qui a autant de millions sur son compte que de cheveux sur la tête ? L’héritier d’un papa qui fit fortune dans l’aéronautique ou un fonds d’investissement multicartes ? Ah pas seulement, il y a les créanciers du groupe, nous dirait l’administratrice judiciaire qui dirige Virgin depuis que le tribunal a prononcé la liquidation ce lundi. Cette dame s’appelle Frédérique Lévy. Je ne la connais pas. Je sais juste qu’elle a été choisie par le tribunal de commerce de Paris, un système qui « allie les défauts de la rente à la maladie de la corruption ». Ce n’est pas moi qui le dit mais Montebourg. Son travail est de payer les créanciers sur la bête mourante, qui a néanmoins ramassé plus de 7 millions d’euros lors de soldes exceptionnelles et qui détient encore du stock. Cet argent représente autant que le montant du plan social que la loi garantit aux salariés. Mais on leur dit qu’ils n’en verront pas un centime. Car ils ne sont pas des créanciers du groupe. Ils n’en sont que les travailleurs. On ne leur doit donc que le minimum légal, une prime qui ne dépasse pas 600 euros pour certains d’entre eux qui étaient à temps partiel. Donc ils ont fait grève, et maintenant, occupent même sept magasins.

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Crédit photo photosdegauche.fr (stef.burlot)

C’est grâce à leur lutte que certains doivent réaliser que Virgin, c’est aussi des salariés. Cela devrait d’abord être les salariés. Car eux sont souvent là depuis plus longtemps que les financiers de passage qui les ont menés dans le mur. Eux connaissant le métier qu’ils exercent. Eux ont été recrutés pour leurs compétences et non leur héritage. Quand j’interroge Guido, l’animateur de la lutte des Virgin de Strasbourg sur les conditions salariales dans le magasin, il me dit qu’il est payé 1200 euros par mois après 12 ans de carrière. On ne reste pas ici pour le salaire m’explique-t-il. On reste par passion. Car les vendeurs sont aussi des connaisseurs de leurs rayons, qui conseillent la clientèle sur les œuvres que sont aussi les produits de l’industrie culturelle. Alors quand ils voient le client abandonner discrètement les titres qu’ils leur ont conseillés avant la caisse pour les acheter moins cher sur Amazon, cela leur fait drôle.

Amazon est sans doute le fossoyeur numéro un de Virgin. Car Amazon et son patron Jeff Bezos sont encore plus « hype » que Branson. Le slogan de l’entreprise : work hard, have fun, make history (travailler dur, s’éclater, faire l’histoire) en atteste. Ce sont surtout ses performances économiques qui suscitent l’admiration des analystes. Mais si vous voulez bien connaître cette entreprise, je vous invite plutôt à lire un livre récent de Jean-Baptiste Malet, un jeune journaliste infiltré dans un des entrepôts de cette société très secrète . Amazon connaît une croissance fulgurante. En France, le chiffre d’affaires progresse de 40% par an. Un quatrième entrepôt va bientôt ouvrir dans le Nord. A chaque fois l’événement attire députés et ministres. L’Etat et les collectivités locales alignent les subventions. Pour quoi faire ? D’après les chiffres de la fédération professionnelle de la vente en ligne, il faut 18 fois moins de personnes pour vendre un livre par Amazon que dans une librairie traditionnelle. Déjà les grandes surfaces culturelles type Virgin ou FNAC utilisaient deux fois moins de main d’œuvre que les petites surfaces. Mais 18 fois moins, il s’agit d’un franchissement de seuil sans précédent qui condamne toute concurrence. D’autant qu’Amazon cumule d’autres avantages. Les produits achetés sur son site .fr ne sont pas soumis à la TVA en France. Alors que les entrepôts sont situés sur notre sol, la société qui encaisse les paiements est domiciliée au Luxembourg. Grâce à l’Europe-qui-protège, cette simple astuce permet à Amazon de payer la seule TVA luxembourgeoise. On comprend ensuite que le site de vente en ligne ait les moyens de proposer la gratuité des frais de ports, ce qui constitue un contournement de la loi Lang sur le prix unique du livre. Si l’on continue à laisser faire ces pratiques et à dérouler le tapis rouge pour Amazon, c’est la FNAC qui tombera après Virgin. Et cela ne s’arrêtera pas là. Car Amazon veut vendre de tout. Aux Etats-Unis, elle propose même des produits alimentaires. La vente en ligne explose et la part de marché d’Amazon pourrait dépasser 25% en 2016. Cela veut dire qu’après avoir tué la concurrence, le groupe pourrait rançonner les fournisseurs en reproduisant à une échelle sans précédent les mécanismes que l’on voit déjà avec la grande distribution.

Bien sûr, les concurrents d’Amazon cherchent la réplique. Mais ils le font en reprenant le modèle économique de la vente en ligne. Regardez autour de vous les ouvertures de grandes surfaces, vous verrez se multiplier les « Drive » aux dépens des magasins traditionnels. Qu’est-ce que cela change me direz-vous ? Après tout ce service permet de se débarrasser de la corvée des courses ! Sauf qu’outre la destruction massive d’emplois, cette nouvelle organisation du commerce est une machine de guerre contre les droits sociaux. Un salarié d’Amazon affecté à la récupération des articles Chaplin commandés dans un des quatre entrepôts français de la marque effectue 24 kilomètres à pied par journée de travail. Les équipes fonctionnent en 3/8. En période de pointe, ceux qui sont dans l’équipe de nuit travaillent 6 nuits de 7 heures d’affilée, soit 42 heures par semaine. Il n’y a que deux pauses de 20 minutes. Dans un entrepôt des Etats-Unis, la direction avait pris l’habitude de faire stationner des ambulanciers à proximité pendant les vagues de chaleur pour ramasser les employés victimes de malaises. Dans ces murs, aucune passion, juste la nécessité. Les salariés ne rencontrent jamais un client. Ils ne savent pas ce qu’ils vendent. Ils n’ont même pas le temps de lire les 4e de couverture. Car dès qu’ils ont « pické » un article dans l’étagère indiquée par la scanette qui ne les quitte pas, celle-ci les envoie quelques mètres plus loin. La productivité de chaque salarié est mesurée jour par jour. Un réseau sans fil assure le suivi en continu de son activité. Sa scanette permet même aux managers de le rappeler à l’ordre s’il traîne. Et Amazon va jusqu’à exiger que la productivité de ses employés soit en augmentation permanente sous peine de non renouvellement de leur contrat.

Autocol11x8_retraite_2013_1 Vous avez bien compris les conséquences ? Allons jusqu’au bout. Pensez-vous que l’on puisse faire ce travail jusqu’à 65 ans ? Ou même 60 ? Ou encore 55 ? Avec une productivité en augmentation continue ? Libraire c’est possible, mais « picker » chez Amazon, non. Pour augmenter les profits et gagner la bataille de la « compétitivité », le capitalisme détruit des milliers d’emplois et augmente dans un même mouvement l’intensité du travail dans des proportions inconnues jusqu’à présent, qui minent l’espérance de vie et éjectent……..

Lisez la fin de ce billet sur le blog de François Delapierre

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