Carte postale • A Lima avant Quito

Cette deuxième carte postale du mois de juillet prend l’allure d’une interminable lettre. Elle vous arrive de Lima au Pérou. Depuis que je m’y trouve je n’y ai vu qu’un ciel gris. Le bleu et le soleil n’ont jamais percé. Un petit crachin glacé est venu parfois donner l’impression que l’humidité mortelle de l’air se purgeait d’elle-même. En fait, ici, je me trouve dans l’hémisphère sud et c’est donc l’hiver. Les témoignages de l’an passé prétendaient qu’il n’y avait pas vraiment d’hiver ici. Perou_montagnes.jpg Erreur complète. On devine donc combien j’ai hâte de revenir en été. Ce sera chose faite quand je serai en Équateur, au moment où ces lignes seront publiées. De plus je ne suis pas certain de parvenir à m’accoutumer à ces petits tremblements de terre qui sans cesse agitent le sol de la capitale péruvienne. Encore moins depuis ce qu’on m’a dit. Les scientifiques prévoient, sans pouvoir dire si c’est pour demain ou pour dans cent ans, un événement qui atteindra le niveau huit sur l’échelle de Richter !

À présent, je raconte ma rencontre avec le président de ce pays, Ollanta Humala. Cela s’est passé samedi 13 juillet au palais présidentiel Plaza Mayor. Notre entretien a duré une heure et quart. Il m’a commenté les grands axes de la politique qu’il met en œuvre, analysé l’événement qu’a été l’interception de l’avion du président bolivien et la réponse qu’y ont apporté les pays de l’UNASUR dont il exerce la présidence. Du coup je n’avais plus envie de me faire démolir le moral en écoutant François Hollande le 14 juillet. Selon ce qu’on m’en a dit, je crois que j’ai bien fait. A la fin de cette très longue note je fais quand même un écart pour parler d’un beau livre et d’une histoire de Français dans ces parages. Une histoire bouleversante. Ma prochaine carte postale viendra de l’Équateur où je me trouverai déjà quand cette note sera publiée. Elle sera davantage historique car je suis aussi sur les traces des hommes et des femmes des lumières et de la grande révolution de 1789, ici dans le nouveau monde. Et par-dessus tout je dirai où nous en sommes de la construction du Forum Mondial de la révolution citoyenne qui se prépare en lien direct avec les équatoriens.

Dimanche matin 14 juillet, je me trouvais place de France à Lima pour la cérémonie des Français. Ici nous pratiquons sur une place publique et en grande solennité. Y viennent les enfants des écoles françaises, le corps de sapeurs-pompiers soutenus par la France, tous les responsables des diverses activités que les Français ont ici en matière de recherche et de développement ou de travail scientifique. Sans oublier les représentants des Français de l’étranger et leurs associations. Bien sûr les autorités péruviennes y sont fortement représentées. Au milieu de la place une statue de la Liberté, son flambeau à la main. On a chanté à pleins poumons la Marseillaise et l’allocution de l’ambassadeur de France a célébré l’universalisme français avec un mot de Montesquieu : « avant d’être français, je suis un être humain ». Bref, la France des lumières. Le soir venu, à la résidence de France, on a encore chanté la Marseillaise. La réception a été un énorme succès qui a réunis mille deux cent personnes. Parmi tous ceux qui se trouvaient là, toutes sortes de jeunes Français, étudiants, stagiaires, professionnels divers se trouvaient là dont un bon nombre de ceux qui sont venus au-devant de moi partagent notre engagement de valeurs politiques. On s’est retrouvé entre gens positifs, qui font des choses utiles et en sont fiers

L’honnête homme

Maudits embouteillages ! Lima qui m’était pourtant parue plus fluide que bien des capitales sud-américaines, ce soir-là s’était embouteillée. J’ai fini le trajet, que j’avais commencé en taxi, au petit pas de course, dans l’état de stress que l’on devine quand on abandonne son véhicule pour courir à un rendez-vous présidentiel avec un quart d’heure de retard déjà sur l’heure prévue. Le parcours à l’intérieur du palais entre les divers contrôles me permit de reprendre mon souffle et de faire bonne figure le moment venu. Au demeurant, le président Ollanta Humala sait mettre son monde à l’aise. Après un abrazo sans façon, et après m’avoir rappelé qu’on se tutoyait, on entra dans la conversation comme si on s’était quittés hier. La simplicité tranquille de cet homme est extraordinairement contagieuse. Il n’y a en lui ni pompe ni superbe. Et ce qu’il dit concentre toute son attention.

Je ne suis pas venu à sa rencontre pour vérifier des accusations et encore moins entendre une défense. Je m’intéressais à l’homme et à sa perception des problèmes et des solutions. La sympathie personnelle qu’il m’inspire au plan humain depuis que je le connais ne se dément pas. Et si je sais bien que cela n’a pas de valeur politique, il me semble néanmoins que cela a du sens. Je place l’élection de ce président dans la vague démocratique qui a couvert toute l’Amérique du Sud compte tenu des conditions dans lesquelles il a dû faire campagne et de l’adversité médiatique bestiale qui s’est opposée à lui. Je pense que notre privilège d’observateur engagé est de pouvoir écouter et observer des façons d’agir et de penser différentes qui nous apprennent beaucoup de toutes les manières possibles. Nous savons depuis le début que chaque pays connaît des processus de transformation différents. C’est pourquoi, dans le passé j’ai toujours refusé le prétendu clivage entre le « bon » Brésil et le « méchant » Venezuela. Il faut en faire de même dans le cas du Pérou et de son président par rapport aux autres pays de l’Alba ! D’une façon plus générale il faut que je répète ce Perou_poterie.jpg qu’est à mon avis la bonne manière d’appréhender notre relation aux gouvernements de la vague démocratique d’Amérique du sud. L’enjeu n’est pas de les soutenir ou pas. Répétons-le : il n’y a pas de modèle pour nous. Seulement des sources d’inspiration. A partir de là nous ne devons « soutenir » aucun gouvernement, aucune personnalité ce qui reviendrait à nous identifier à eux et donc à en faire des modèles. Nous soutenons des politiques en particulier et nous participons à des campagnes de défense commune contre l’oligarchie, le parti médiatique et l’Empire. Notre esprit critique ne doit jamais désarmer, et pas davantage le devoir d’apprendre avec modestie de ceux qui sont en mode action ! Tant qu’on se parle, nous formons une même mouvance, ce qui n’interdit ni les débats, ni les critiques. En me recevant, moi qui ne suis rien, sinon le symbole d’une certaine gauche européenne, le président péruvien donne un signe de connivence et de volonté de dialogue avec nos forces politiques. Je ne l’oubliais pas au moment où nous nous fîmes un abrazo final et qu’il me fit l’amitié de me raccompagner en me tenant par l’épaule. Au moins puis-je dire une chose : c’est que sur le plan personnel cet homme est moins pusillanime dans ses relations que bien d’autres qui me tournèrent le dos sitôt que François Hollande fut élu ! Que ceux-là soient revenus depuis à de meilleures sentiments après avoir découvert le personnage peu fiable du président français ne me fait cependant rien oublier.

Pour situer l’état d’esprit dans lequel se trouve Ollanta Humala, je vais citer la comparaison un peu provocante qu’il m’a faite. « Tu comprends, me dit-il, c’est un peu comme ceux qui se passionnent pour le foot. Ils sont dans l’euphorie et l’enthousiasme du match à ce moment-là et ne se posent pas d’autres questions. Mais ensuite il faut rentrer à la maison et savoir si demain tu vas travailler ou pas, si les enfants vont aller au collège et s’il y a quelque chose à manger. Moi je me sens responsable de savoir si dans mon pays il y a du travail et s’il y a à manger». Je présente là les choses comme il me les a dites avec assez d’insistance pour que je me rende bien compte que c’est là une conviction très forte pour lui. À un autre moment, peut-être parce qu’il s’est souvenu de la personne à laquelle il s’adressait, il m’a dit : « l’idéologie c’est très important, bien sûr, mais ça ne doit pas remplacer le réel ». Je pense qu’il m’a dit tout cela parce que j’étais accompagné par un camarade de la gauche de son parti et qu’il a croisé dans la pièce attenante avant de me rencontrer dans ce salon particulier qui avait été prévu pour cela. Mais moi je n’étais pas venu faire des reproches. Juste me donner la chance de pouvoir parler de l’exercice du pouvoir avec un homme que j’estime et qui est dans la deuxième année de son accession au pouvoir sur nos bases politiques communes. Ça ne m’a pas empêché ensuite d’entendre aussi ce que m’ont dit les camarades du nouveau « Frente Amplio de Izquierda ». Ils se définirent : « c’est comme le Front de Gauche en France ». Eux attribuent la responsabilité de leur rupture avec la majorité présidentielle à Ollanta Humala. D’autres aussi sont venus me voir : ils participent aux élections en cours dans le parti du président en se définissant comme la gauche de ce parti. J’ai remis mon commentaire à plus tard, quand j’aurai le temps d’approfondir ce que j’ai entendu. D’une façon générale je ne me mêle pas des discussions qui opposent les nôtres là où je vais. Je vois tous ceux qui veulent bien me parler. J’enregistre ce qu’on me dit et ensuite je réfléchis en me demandant comment je m’y prendrais moi-même si j’avais à décider sur le sujet. C’est ma forme de réalisme gouvernemental : je me demande toujours comment nous devrions faire nous-même chez nous. L’étude des autres est donc un carburant précieux.

Je sais que Humala a dû souffrir quelques empoignades avec ses amis sans que ceux-ci aient su lui proposer un autre cadre d’action global si je comprends bien. J’ai connu cette situation en France en 1983. Nous réclamions alors à cors et à cris « l’autre politique » pour nous opposer au « tournant de la rigueur ». Mais aucun de nos chefs n’avaient la moindre proposition concrète dans ce sens. Je n’ai pas oublié la leçon. Si la radicalité n’est pas concrète ce n’est qu’un songe creux. Cela ne veut certainement pas dire qu’il faut en rabattre de nos ambitions mais qu’il faut les formuler avec un mode opératoire. C’est ce que nous avons voulu faire avec notre premier forum du parti de gauche intitulé : « gouverner face aux banques ». Le programme d’action qui s’en est déduit, le livre que Jacques Généreux a donné sur le thème (« nous on peut »), tout cela est notre réponse méthodologique au danger de l’abstraction futile. Je m’en tiens toujours fermement à cette ligne d’action. Je pense que notre tour viendra et qu’il faudra être prêt. D’ici là il faut agir, sans oublier d’apprendre, et d’écouter ceux qui peuvent nous aider à comprendre, a tous les niveaux.

L’action du nationalisme de gauche au Pérou

Voici donc ma synthèse de ce que j’ai compris de mon échange avec le président péruvien. Ici, il n’est question ni de rupture avec le capitalisme ni d’éco-socialisme. La politique du président Humala est celle d’un nationaliste de gauche. Il ne s’agit de rien d’autres que de donner a la communauté péruvienne, conçue comme un tout, son indépendance collective et personnelle. Cette position lui vaut la solide haine du parti médiatique qui l’accable ici comme le sont tous nos amis partout. Cela lui vaut aussi l’incompréhension de plusieurs secteurs de gauche et de sa majorité. Mais ce qu’il fait mérite attention et nous apprend aussi beaucoup de choses. A son sujet comme au sujet de beaucoup d’autres dirigeants et de beaucoup d’autres gouvernants de la vague démocratique il faut absolument renoncer aux vieilles habitudes mentales du passé qui voudraient voir partout ou bien des modèles ou bien des traitres. Ollanta Humala dans ses pires manques est dix mille fois plus à gauche que n’importe quel jour de la vie de François Hollande ou de l’un quelconque des membres de son gouvernement. Par de nombreux aspects de sa politique, il est aussi une source d’inspiration pour notre action.

Toute la politique mise en œuvre au Pérou repose sur la bonne santé de l’économie minière. Ce que l’on appelle « l’extractivisme » a donc encore ici de beaux jours devant soi. La croissance est de six points par an. La croissance reste un horizon indépassable pour nos gouvernements dans cette région. L’intensité……Lire la suite sur le blog de Jean-Luc Mélenchon

France-Côte d’Ivoire • Libérez Jah Prince !

Jah_Prince.gif Jah Prince, de son vrai nom Prince Serry, est un artiste franco-ivoirien chanteur-compositeur de reggae. il a deux enfants en bas âge avec sa compagne Lucille Masson. Jah Prince est un artiste engagé sur des valeurs la liberté, la dignité, l’amour mystique. Son principal album intitulé «Prisonniers de Babylone», dénonce en 10 titres les maux qui accablent l’Afrique d’aujourd’hui : l’oppression, la corruption, la violence, le néocolonialisme, le néo fascisme.

En avril 2010, il retourne avec sa famille s’installer en Cote d’Ivoire, pour préparer un nouvel album, construire une école de musique et organiser une tournée dans le pays ; il envoie par bateau du Havre à Abidjan son matériel (instruments, matériel d’éclairage et de sonorisation et 3000 CD de son album) pour une valeur de 300 000 €.

En Janvier 2011 il s’exprime dans la presse locale en demandant aux « Présidents occidentaux de laisser en paix les Présidents africains » : « je suis venu demander aux politiciens de s’effacer et de laisser le peuple travailler. Il faut pour cela désarmer les consciences violentes, repartir sur de nouvelles bases et éviter de brûler le pays». En juin 2011, son matériel, toujours bloqué au port, lui est confisqué et pillé. Il proteste et demande au Président Ouattara la restitution de ses biens.

Mais Babylone ne désigne pas seulement l’Occident corrupteur et il n’est pas facile dans la Côte d’Ivoire actuelle d’être un prince dida originaire de Niazaroko, une commune que le gouvernement ivoirien vient de supprimer certainement pour faire oublier les exactions commises par les nouvelles forces armées (FRCI) à l’encontre de la population le 30 octobre 2011.

Le 21 novembre 2012, Jah Prince est arrêté chez lui, frappé et menotté, mis en prison et il est condamné par une justice expéditive le 15 décembre 2012 à un an de prison et 5 ans d’interdiction de territoire pour consommation de marijuana !

Sa compagne a écrit à Hollande, à Fabius, à Ouattara….. Le cabinet du Président Hollande a répondu : « Le droit international proscrivant toute ingérence dans la justice d’un Etat étranger souverain…. ».

Il s’agit clairement d’un emprisonnement pour délit d’opinion, avec un prétexte pour le condamner. Quand un régime en vient à enfermer les artistes, ce n’est vraiment pas bon signe !

Le Parti de gauche interpelle le gouvernement français quant au sort injuste fait à l’un de ses citoyens et exige qu’il mette en œuvre l’ensemble des moyens dont il dispose pour obtenir la libération et le défraiement du reggaeman Jah Prince.

Une pétition est en ligne, que le Parti de gauche vous invite à signer 

Le blog de Jah Prince

48 millions de chômeurs dans l’OCDE, ça n’est pas une fatalité !

A la veille du G20 qui se tient à Moscou, l’OCDE dresse un constat accablant dans son rapport«Perspectives de l’emploi 2013 » : depuis 2007, les trente-quatre pays de l’OCDE (qui réunit les nations les plus riches du monde) ont enregistré 16 millions de chômeurs supplémentaires. Au total, 48 millions de personnes sont aujourd’hui sans emploi dans cette zone.

L’austérité généralisée continue donc à plonger le monde dans le désastre. L’Europe et la France sont loin d’être épargnées : selon l’OCDE, le chômage devrait en effet atteindre un niveau record dans la zone euro fin 2014 avec un taux moyen de 12,3 % et 11,2 % en France.

François Hollande continue à attendre benoitement que la courbe du chômage s’inverse, alors que l’INSEE, le FMI, l’UNEDIC et l’OCDE partagent le même constat : le chômage va continuer à s’aggraver dans notre pays.

Il est urgent de mettre fin à l’austérité. Cela commence par une politique massive de créations d’emplois publics en France, d’investissements publics dans l’économie réelle, la relocalisation des activités économiques nécessaires à notre pays, la transition écologique source de nombreux emplois. Cela passe également par la désobéissance aux traités européens, qui sera le levier d’un nouveau rapport de force en Europe pour retrouver le chemin du progrès social. Le chômage de masse n’est pas une fatalité, nous avons les moyens de construire une alternative. Nous le prouverons.

François Hollande ou comment gâcher le 14 juillet des Français de l’étranger !

Au moment même où les ambassades de France viennent de célébrer la fête nationale, les concitoyennes et concitoyens résidant à l’étranger ont de plus en plus de mal à cacher leur consternation face à la politique du gouvernement PS-EELV à leur égard.

On ne compte plus les attaques aux services publics de l’Etat à l’étranger, en dépit des promesses de campagne du candidat Hollande. Au détour d’une question parlementaire, la Ministre déléguée chargée des Français de l’étranger vient d’annoncer que le service notarial consulaire serait prochainement aboli. Des milliers de compatriotes, surtout les plus modestes, se verraient confrontés à d’importantes complications administratives, pour de simples économies de bout de chandelle.

Cette annonce démontre une nouvelle fois le cynisme du gouvernement socialiste qui n’a aucune considération pour les Français de l’étranger et procède sans concertation avec les personnels, les élus, les parents.

Après les suppressions de postes, les fermetures d’établissements scolaires ou culturels à l’étranger, la réforme de la représentation locale qui a vidé de tout son poids le rôle des élus consulaires, c’est aussi l’attribution des bourses scolaires qui est désormais touchée. La réforme du mode de calcul des bourses produit une baisse des aides scolaires substantielle pour la plupart des familles qui en font la demande. Pire encore sous un gouvernement socialiste qui prétend être attaché aux droits des femmes, ce sont souvent les foyers modestes et les foyers monoparentaux à la tête desquels se trouvent des femmes seules qui sont confrontés à ce retrait de l’État et devront parfois enlever leurs enfants des écoles françaises,

Pour faire face à cette fuite en avant dans laquelle s’est lancé le gouvernement PS-EELV, le Parti de Gauche appelle à se mobiliser autour du Front de Gauche des Français de l’étranger !

Je ne remplirai pas la demande pour l’ordre national du Mérite

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Surprise, au courrier il y a quelques jours : une lettre de la Préfecture de Paris, bureau des affaires réservées. N’étant plus élue, ayant eu mes comptes de campagne validés et remboursés, je me demandais bien ce que pouvait me vouloir la préfecture. Et là je lis « Mon attention vient d’être appelée sur les titres qui seraient de nature à justifier votre nomination au grade de chevalier dans l’ordre nationale du Mérite. » Ah bon ! Et s’ensuit un document de 4 pages à remplir et la précision « je tiens cependant à vous informer que cette proposition n’implique pas automatiquement votre nomination. Ouf !

J’ai donc cherché sur internet l’objet précis d’une telle proposition et j’ai trouvé la définition suivante de l’ordre du Mérite : L’ordre national du Mérite est un ordre français qui a été institué le 3 décembre 1963 par le général de Gaulle1. Il récompense les mérites distingués, militaires ou civils, rendus à la nation française. Sa création permet de revaloriser l’ordre national de la Légion d’honneur créé par Napoléon Bonaparte le 20 mai 1802 pour récompenser les mérites éminents. Il comprend également trois grades : chevalier, officier et commandeur, et deux dignités : grand officier et grand-croix. La nomination dans l’ordre national du Mérite peut se faire par proposition ministérielle ainsi que par la procédure d’initiative citoyenne.

Donc première conclusion, lorsqu’on vous propose pour l’ordre du Mérite et non pour la Légion d’honneur c’est parce qu’on ne vous juge pas digne de cette dernière. Cela tombe bien car je pense que la Légion d’Honneur ne devrait être attribuée que pour acte de bravoure. Comme disait ma grand-mère outrée « de nos jours, ils l’a donnent même aux cochons ». C’était un peu exagéré, mais elle ne décolérait pas de la voir distribuer à tout vent. Dans la famille, la légion d’honneur c’était pour faits militaires ou de résistance. N’ayant aucun mérite militaire, et pour cause, je suis donc supposée avoir des mérites civils.

Un imprimé est là pour me guider. La case des médailles est vite passée pour arriver sur celles des diplômes. L’imprimé ne prévoit que ceux supérieurs au bac. Pourquoi ? les autres ne sont pas méritoires ? Ensuite il faut développer son C. V. y compris « toute interruption dans le parcours professionnel doit être précisé ». Viennent ensuite les fonctions électives et les responsabilités associatives, les services rendus notamment dans les syndicats et associations, les travaux et publications pour finir par l’exposé détaillé des services motivant la proposition. Et là je reste perplexe. J’ai l’impression de remplir une demande d’embauche.

Selon la réglementation, il faut donc être proposé par un ministère ou 50 citoyens, dernière hypothèse non recevable car je suppose que dans ce cas j’aurais été prévenue. Mais quel ministère a donc pu avoir cette idée saugrenue.

Je serais tentée de répondre que mes seuls mérites sont d’avoir passé ma vie à lutter contre ce système, contre l’extrême-droite et les dictatures, pour l’égalité des droits, pour la justice sociale, le féminisme, la laïcité, pour l’écologie. Alors oui, s’il y avait un gouvernement du Front de gauche, je pourrais me sentir honorée de voir reconnaître toutes ces années de combat pour une société meilleure. Mais là, recevoir cette distinction d’un gouvernement qu pratique la pire austérité comme jamais et en plus qui s’en vante ! D’un, gouvernement qui ferme son espace aérien à Evo Morales, président démocratiquement élu de la République de Bolivie, sur simple exigence de l’impérialisme américain alors que tant de dictateurs ont été accueillis en France et ce y compris malgré les protestations que cela pouvaient soulever ?

Non, je ne renverrai pas le formulaire.

Ci-dessous la lettre que j’envoie ce jour

Monsieur le Préfet, J’ai bien reçu le courrier de votre cabinet concernant la proposition de nomination éventuelle dans l’ordre national du Mérite.

J’ai bien conscience que cet honneur est très prisé dans le monde politique. Mais je ne vais pas renvoyer le formulaire.

Mon seul mérite depuis 45 ans est de me battre contre ce système, pour une société plus juste, plus humaine et qui ait la capacité d’anticiper l’avenir, notamment la nécessité de changer notre modèle de développement pour faire face aux défis de la survie de notre écosystème humain.

J’aurais pu accepter à la rigueur si j’avais eu l’impression d’avoir enfin un gouvernement à la hauteur de ces enjeux. Malheureusement ce n’est pas le cas. De plus, j’aurais honte de recevoir une telle distinction quelques semaines après que le gouvernement de mon pays, la patrie des Droits de l’Homme, a refusé le survol aérien de son territoire à un président démocratiquement élu, Evo Morales, président de la Bolivie, et ce sur injonction d’un gouvernement étranger, en l’occurrence celui des États-Unis, alors que tant de dictateurs ont été accueillis au cours de ces dernières décennies sur le sol de France.

Recevez, Monsieur le Préfet, mes salutations respectueuses.

Martine Billard

Fallait-il se mobiliser pour défendre le trader Jérôme kerviel contre la Société générale ?

Il est l’incarnation d’un rouage essentiel du capitalisme financiariséKerviel_prud-hommes.jpg

La lumière s’est récemment à nouveau portée sur Jérôme Kerviel, grâce notamment à Jean-Luc Mélenchon, qui a décidé de prendre la défense du trader et de dénoncer ainsi le système politico-financier dont il n’est que le symptôme et le paravent. Son argument est simple : Kerviel est innocent et c’est la Société générale qui porte l’entière responsabilité de ces exactions.

Évidemment, certains gardie  ns de la vertu s’interrogent sur l’opportunité de défendre un « ennemi de classe » comme Kerviel pour un dirigeant politique tel que le coprésident du Parti de gauche. C’est pourtant justement en partant d’une véritable analyse de classes que l’on peut comprendre de quoi il retourne vraiment dans cette affaire. Et pourquoi il faut défendre Jérôme Kerviel. Pourquoi défendre ce fils d’une famille modeste, issue des couches populaires, qui est allé se vendre au grand capital, en l’occurrence la Société générale, pour être l’un des fers de lance de la finance toute-puissante et mondialisée ? Pourquoi braquer ainsi les projecteurs sur l’innocence toute relative de ce personnage, au vu de son zèle dans la prise de risque et la maximisation du profit, alors que les syndicalistes en lutte méritent bien davantage le soutien constant que leur apporte le Front de gauche ? C’est bien en partie à cause de la coupable besogne de tous les Kerviel du monde que des milliers d’entreprises ferment à tour de bras et jettent à la rue des millions de salariés. Pourquoi, alors ? Parce que Kerviel, comme beaucoup d’autres de son espèce, n’est que l’instrument de la haute finance : instrument pour mener la lutte des classes et instrument pour la masquer aux yeux du peuple. En fait, Kerviel appartient à une nouvelle classe intermédiaire, que l’on peut appeler le contre-prolétariat.

Le contre-prolétariat, c’est cette classe bâtarde d’agents de la sphère financière, composée des traders, créateurs de produits financiers, stratèges marketing et autres courtiers, dont le but est de faire croire que la source de la richesse aujourd’hui, c’est le rendement financier et non le travail productif réel. Leur monde est un monde sans ouvriers, sans corps vivants, sans lutte de classes.

Pourtant, les financiers sont eux aussi des travailleurs soumis à l’exploitation (puisque leur travail est la source du profit des actionnaires), mais dont la particularité est de percevoir une rémunération qui, non seulement masque cette exploitation, mais place même ces travailleurs du côté de la classe dominante, au regard de leurs intérêts propres. Sont-ils des capitalistes, puisqu’ils servent le capital ? Non, ils ne sont pas propriétaires de leurs moyens de travail et sont par conséquent des salariés exploités. Alors, en toute logique, ne devrait-on pas les compter comme une frange du prolétariat ? Non plus : leur allégeance au capital, ainsi que la nature et la hauteur de leurs primes, les met précisément à part de la classe prolétarienne.

En effet, les bonus faramineux qu’ils touchent sont une part directement prélevée sur la plus-value créée par les capitalistes financiers. Si on leur ôtait la part de leur revenu tout droit issue de ce partage direct de la plus-value, ils deviendraient immédiatement de simples prolétaires. Cette part de plus-value est donc le paiement aux contre-prolétaires par la classe capitaliste de leur trahison de classe. Pour le dire en un mot, Kerviel a été employé pour lutter contre sa classe d’origine. Non seulement à travers les exigences folles de rendement imposées par la finance aux entreprises, dont il s’est fait la cheville ouvrière, mais aussi par la nature même de son travail qui conduit à gommer les rapports d’exploitation, en ensevelissant le prolétariat sous des montagnes de valeurs virtuelles. Le contre-prolétariat, en tant que bras armé de la classe capitaliste, se développe donc contre le prolétariat… tout contre.

Pourquoi donc en définitive défendre Kerviel ? Au-delà du faisceau de présomptions qui indique que cet homme est innocent et qu’il n’est que le fusible d’une affaire d’État politico-financière, il faut défendre Kerviel, car il est la démonstration vivante d’un rouage essentiel du capitalisme financiarisé et de la façon dont il broie les travailleurs sans états d’âme.

Il faut défendre Kerviel, car le système financier l’utilise pour Lire la suite dans l’Humanité

Lutte contre la fraude fiscale • Ils n’y ont jamais cru

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Beaucoup attendaient du gouvernement Ayrault qu’il frappe fort la fraude fiscale. Au contraire, il l’accueillait en son sein. Depuis la démission de Jérôme Cahuzac et son audition devant l’Assemblée Nationale, le gouvernement n’a toujours pas apporté la moindre réponse crédible et sérieuse permettant de lutter contre ce poison. Les pères fouettards de l’austérité nous demandent de « faire des efforts» mais ne se soucient guère de l’évasion fiscale des importants dont ils recherchent le soutien. Ce fléau nourrit pourtant la crise démocratique et économique que nous traversons.

Les estimations des pertes annuelles dues à la fraude fiscale peuvent varier mais restent extrêmement élevées. La Commission Européenne avance le chiffre de 50 milliards d’euros pour la France, mais le Syndicat Solidaires-Finances Publiques, qui représente les agents du fisc, évoque lui le chiffre de 80 milliards, soit une perte de 20% environ des recettes fiscales d’une année.

Les entreprises, en particulier les grands groupes, sont les championnes des manœuvres pour échapper au fisc : du travail au noir au non reversement de la TVA, en passant par la création de sociétés fictives ou la domiciliation offshore, ces fraudes réduisent chaque année de 23 à 32 milliards d’euros les recettes de l’impôt sur les sociétés. L’évasion fiscale des plus riches est également significative. Les travaux de Gabriel Zucman estiment à 250 milliards d’euros minimum le patrimoine non déclaré des français dans les paradis fiscaux, soit un manque à gagner de 15 milliards d’euros annuels environ.

Il est intéressant de rapporter ces estimations aux chiffres de la fraude sociale qu’utilisent les réactionnaires pour nous opposer les uns aux autres : la fraude à la sécurité sociale ne dépasse pas les 3 milliards d’euros annuels et la fraude aux prestations familiales 700 millions d’euros. A peine 5% de la fraude fiscale !

Contrôles peu fréquents

En France, selon les derniers chiffres de la Cours des Comptes, au moins 90% de la fraude fiscale reste impunie puisqu’un peu moins de 4 milliards d’euros ont été récupérés en 2010. La Direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF), qui contrôle les affaires où l’ampleur de la fraude dépasse les 1,5 million d’euros, obtient des résultats décevants. On observe une baisse d’environ 15% du rendement du contrôle fiscal des plus fortunés depuis 10 ans et ce malgré l’explosion des revenus des 0,1% les plus riches et de leurs patrimoines sur cette période.

Les contrôles sont peu fréquents : un contrôle tous les trois ans en principe pour les 150 000 contribuables les plus riches, mais seuls 2,3% des dossiers des 500 plus grosses fortunes professionnelles sont soumis à examen chaque année. La probabilité pour un contribuable fortuné d’être contrôlé est donc d’une fois tous les 40 ans ! Ce taux diminue à mesure que la richesse augmente, un seul contribuable parmi les 50 plus riches étant contrôlé chaque année.

On peut d’ailleurs s’interroger sur le sort de la liste de 3000 exilés fiscaux français ayant fuité de la banque HSBC et transmise en 2009 aux autorités françaises. Eric Woerth, alors ministre du budget, estimait le total d’évasion à 3 milliards d’euros. Personne n’en a entendu parler depuis.

L’austérité encourage la fraude

La baisse du budget de l’Etat encourage les fraudeurs fiscaux. En effet, pour dissuader les fraudeurs et renforcer le rendement des contrôles, les administrations concernées auraient besoin de moyens supplémentaires. Or la Direction générale des finances publiques (DGFiP) aura perdu plus de 18% de ses effectifs entre 2002 et fin 2013, dont une part importante dans le contrôle fiscal. La sous-direction qui s’occupe de l’examen des dossiers jugés « sensibles » (ceux de Liliane Bettencourt ou Bernard Arnault) ne compte qu’une centaine d’agents. Son rattachement au cabinet du ministre du budget facilite les conflits d’intérêts, comme l’ont montré les affaires Woerth et Cahuzac.
Les directions territoriales de la DGFiP, en charges des ménages gagnant plus de 220 000 euros par an sont elles aussi très mal dotées. Elles doivent faire face à une fréquente segmentation des tâches entre la gestion des trois types de fiscalités (personnelle, professionnelle et immobilière) et à des limitations géographiques de plus en plus complexes, les revenus et le patrimoine contrôlés étant dispersés sur le territoire et au-delà.

Le faible rendement des dispositifs de lutte contre la fraude s’explique aussi par la complexité croissante de celle-ci et par son caractère mouvant. Or la Direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF), censée prévenir les nouveaux mécanismes de fraude, est peu considérée. La rotation de ses agents est élevée : 85% d’entre eux ont moins de 4 ans d’ancienneté. Or les dossiers nécessiteraient un véritable suivi et il faut au minimum 3 ans de pratique pour qu’un agent soit complètement formé.

Le gouvernement rassure la finance

L’affaire Cahuzac est le symbole de l’oligarchie et de son détachement vis-à-vis des devoirs citoyens les plus élémentaires. Une oligarchie pour qui l’impôt, c’est les autres. Si elle prétend n’avoir jamais cru à la lutte des classes, c’est qu’elle pense l’avoir gagnée. Plutôt que de combattre l’influence de ces nouveaux seigneurs, les choix politiques du tandem Hollande-Ayrault s’y soumettent directement : la fausse loi bancaire, l’Accord Made in Medef, les cadeaux fiscaux faits aux « pigeons » ou la réforme des retraites à venir en sont des exemples récents. Souciez vous de la « confiance des marchés » et du grand patronat davantage que de la volonté populaire et les Jérôme Cahuzac se multiplieront en plein cœur du pouvoir.

La loi contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique adoptée le 25 juin dernier est un paravent. Elle consiste principalement en l’augmentation de la sévérité des peines en cas de fraude fiscale aggravée sans allonger le délai de prescription (aujourd’hui fixé à 3 ans) et continue d’interdire à la justice d’enquêter sur les fraudes fiscales sans l’aval du ministre du budget. Elle propose également l’extension des outils d’intervention de l’administration fiscale sans que celle-ci ne soit dotée de réels moyens supplémentaires. Dans le cadre de l’appel du G8 à un échange automatique d’information, une liste de pays « non coopératifs » sera établie. Comme pour la rémunération des traders et des patrons, le gouvernement espère en vain que le système s’autorégule.

Des pistes de solutions

S’agissant de l’évasion fiscale, il serait raisonnable de taxer à hauteur de 30% les avoirs dissimulés dans les paradis fiscaux. D’autres spécialistes préconisent d’aller jusqu’à 50%, comme le font d’ailleurs les États-Unis. Le produit d’une telle taxe d’assainissement fiscal serait pour l’Europe de 667,5 milliards d’euros et pour la France de 66 milliards d’euros au moins. Cela correspond à 5 milliards de plus que le budget 2012 de l’Éducation nationale. S’ajoute à cela l’imposition des revenus issus des fonds rapatriés en France, dont le rendement est évalué à 15 milliards d’euros annuels. Ce type de mesures permettrait de limiter sérieusement la fraude fiscale et serait une manière efficace d’augmenter les recettes de l’Etat sans austérité.

Par ailleurs, défendre l’interdiction des activités dans les paradis fiscaux c’est mettre en place les pressions nécessaires, telles qu’un retrait des licences bancaires pour les banques jugées non coopératives. Les banques suisses ne peuvent pas se permettre de perdre leur accès aux marchés français. Les Etats-Unis ont déjà appliqué ce type de menaces en 2009, en obligeant la banque UBS à lui donner 4450 noms de ses clients américains (pour une valeur des dépôts équivalente à 18 milliards de dollars), occasionnant du même coup une dénonciation spontanée d’environ 15 000 personnes ayant des comptes dans une soixantaine de pays.

Sandro Poli

16 juillet 1951

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Le 16 juillet 1951, Avignon s’était donné un Prince. Un jeune homme flamboyant prenait possession de la Cour du Palais des Papes en donnant pour toujours son visage au Prince de Homburg et à Rodrigue. Acteur lumineux, magique, Gérard Philipe venait d’entrer dans la légende. Il n’en est jamais sorti.
Acteur inspiré, fidèle à Vilar et au TNP, il est un des premiers à mettre sa notoriété au service de ses idées, en endossant le costume d’artiste engagé.
De l’Appel de Stockholm au compagnonnage avec le Parti communiste, en passant par le Mouvement pour la Paix et ses voyages en URSS, en Chine, à Cuba où il rencontre Castro, il s’installe dans une vraie conscience politique et syndicale. Il unifie le Syndicat des acteurs et en devient le président. Un président sérieux, lucide, qui dès les années 50 dans un manifeste (Les acteurs ne sont pas des chiens) se soucie de la précarité du métier, des bas salaires, des retraites. Un président attaché à la décentralisation du théâtre en particulier et de la Culture en général, et qui, obstinément, veut diffuser l’esprit de Vilar à toute la France tout en combattant pour un monde de générosité et de justice. Aventure audacieuse, dans un pays à peine remis des années de guerre dans lequel le spectacle vivant pouvait passer pour une fantaisie superflue…
L’élégance et la passion sont des mots inventés pour lui, semble-t-il. Le choix de ses rôles au cinéma n’est pas en reste. De l’Idiot aux Orgueilleux, les personnages graves et profonds se succèdent. Même Fanfan la Tulipe qui cache un esprit frondeur, insoumis, un brin réfractaire sous un vernis de cape et d’épée, de guerre en dentelles !
Un homme, voilà ce qu’il voulait être. Pas un héros, pas une idole. Un homme vulnérable, qui disparaît à 36 ans, en plein vol, en pleine gloire. Ne laissant au monde que le souvenir d’un talent évanoui. À jamais, le Cid garde ce regard juvénile, cette fougue enthousiaste, cette silhouette fine et presque fragile. Et les Stances pour toujours vibrent de la grâce de sa voix ardente. Corneille avait-il écrit le rôle pour lui seul, par-dessus les siècles ?
Gérard Philipe, un homme qui selon Aragon « demeure éternellement la preuve de la jeunesse du monde ».
Brigitte Blang

Qui voudrait rejoindre le PS sur son radeau de la Méduse ?

Neuf mois après une première tentative sans lendemain, le PS relance l’idée d’un comité de liaison permanent de sa majorité pouvant aller jusqu’au PCF en vue des prochaines échéances électorales. La ficelle pour diviser le Front de Gauche reste toujours aussi grosse que vaine.

Radeau_meduse.jpg Après huit partielles perdues de suite, le PS reprend donc son disque rayé pour éviter le naufrage. Pour convaincre ses partenaires de remonter sur le radeau de la Méduse, la direction du PS agite au culot l’épouvantail du FN. Il est vrai qu’on chercherait en vain d’autres arguments : en neuf mois la majorité gouvernementale a été invitée à gober l’ANI, le refus de la loi d’amnistie sociale, l’annonce du budget le plus austère depuis la Libération et l’ouverture des négociations du GMT malgré les révélations sur l’espionnage Etats-unien. La rentrée promet d’être pire encore puisque François Hollande a balayé la timide revendication du PS consistant à retarder l’augmentation de la durée de cotisation des retraites après 2020. Le PS n’a d’ailleurs pas réagi à ce rappel à l’ordre Elyséen.

Ce sont autant de mesures inefficaces et toujours plus à droite qui ne peuvent que diviser toujours plus la gauche politique et sociale. Voilà ce qui fait le lit de la droite et l’extrême droite comme l’a très bien diagnostiquée Delphine Batho.

Il est une seule politique qui peut rassembler tous ceux qui ont voulu le changement en mai 2012 : celle du refus de l’austérité, du partage des richesses et de la 6ème République. C’est celle que propose le Front de Gauche. Elle tourne le dos à la politique du gouvernement Ayrault et au radeau de la Méduse des Solfériniens.

Du balai la V<sup>e</sup> République ! • Les affaires, symptôme des vices de nos institutions actuelles

Certaines idées reçues ont la vie dure. A écouter les commentateurs politiques, les affaires Tapie, Bettencourt, Cahuzac, Karachi, Guéant, Guérini etc. ne seraient que des affaires « individuelles ». En réalité, ces affaires sont bel et bien le symptôme de dirigeants politiques qui ont perdu tout sens de l’intérêt général : ainsi, ils sont capables de tout pour gagner ou conserver le pouvoir, voire pour s’enrichir personnellement. C’est bien un système, celui des institutions monarchiques de la Ve République, qui est en cause : du balai !

1) La Ve et son monarque républicain : l’irresponsabilité comme mode de décision

La constitution de la Ve République a été taillée sur mesure pour un homme, le général de Gaulle, qui se voulait un recours providentiel dans une période de crise due à la guerre d’Algérie. Le président est donc un monarque électif qui concentre tous les pouvoirs : il nomme le gouvernement, peut dissoudre l’assemblée, gouverner par décret, etc. Or les institutions de la Ve République érigent l’irresponsabilité en mode de gouvernement. Une fois élu, le président de la République peut renier ses engagements : il n’est responsable ni devant le parlement, ni devant les électeurs avant cinq ans – et encore, sous réserve qu’il soit candidat à sa succession !

Mais le président est aussi au sommet d’une pyramide qui favorise copinage et affairisme car, dans ce régime, pour bien réussir sa carrière, il faut être l’ami du prince. Sarkozy était le champion des nominations renvois d’ascenseur : rappelons-nous qu’en 2009 il a même tenté de faire nommer son fils à la tête de l’EPAD (Etablissement Public d’Aménagement de la Défense). Hollande n’est pas en reste : on retrouve aujourd’hui des diplômés de sa promotion à l’ENA partout, comme secrétaire général de l’Elysée, ministre du travail, patron de la Banque publique d’investissement ou le délégué interministériel à l’intelligence…

Pour rétablir la responsabilité politique au cœur de l’action publique, nous voulons donner aux citoyens la possibilité de convoquer un référendum révocatoire à tous les niveaux du système politique représentatif. Déjà inscrite dans de nombreuses constitutions, notamment en Amérique latine et dans certains états américains, cette disposition permet aux électeurs, après demande par pétition d’un nombre significatif d’entre eux, de soumettre la révocation de leurs élus à référendum. Cette disposition permet aux citoyens de garder un moyen de contrôle sur le pouvoir qu’ils ont délégué. Véritable épée de Damoclès, elle inciterait donc les élus à faire campagne à partir de programmes et d’objectifs politiques clairs et de s’y tenir malgré les diverses pressions extra-démocratiques, notamment financières, qui s’exercent sur leur mandat. Elle permettrait aussi de sanctionner ceux qui ne tiennent pas leurs promesses !

2) La personnalisation à tous les échelons : une République de potentats locaux

Le système pyramidal de la Ve république décline l’irresponsabilité du « chef » aux autres institutions.
Tout dans les institutions semble fait pour renforcer la personnalisation à tous les échelons. Le scrutin uninominal (députés, conseillers généraux) organise l’élection autour de la recherche d’hommes (plus rarement de femmes) capables de « raconter une histoire » et de « redresser » le pays / le canton. Cette personnalisation gagne même les scrutins de liste et participe de la dépolitisation de la vie politique. Le droit lui-même définit les compétences des institutions de façon toujours personnelle (le président, le ministre, le président du conseil régional / général, le Maire etc…). Tout concourt donc à l’émergence sur tout le territoire de potentats locaux dont la décentralisation a accentué les pouvoirs.

Ces « princes locaux » sont souvent spécialistes du cumul des mandats, simultanément et dans le temps. Ils agrègent ainsi des ressources diverses (réserves parlementaires, nominations et recrutements, marchés publics) qui les rendent capables de distribuer des avantages pour récompenser la fidélité des uns et des autres. A tous les échelons se retrouve donc ce phénomène de cour et de copinage… et les affaires qui vont avec !

Il faut revoir intégralement les modes de scrutin, la question du nombre de mandats cumulables et exercés dans le temps, pour démocratiser réellement l’accès aux fonctions politiques. C’est en pratiquant l’élection à la proportionnelle que nous pourrons inventer des modes d’exercice collectif du pouvoir mais aussi garantir une vraie représentativité sociale des élus et aller vers un réel renouvellement des élus du peuple.

3) Une République des élites et des conflits d’intérêts bâtie sur la peur du peuple

Le mythe de l’homme providentiel qui fonde toutes nos élections a aussi pour conséquence un haut degré de dépossession politique. Le rôle politique du peuple se cantonne à la remise de soi : à chaque élection, il n’est invité qu’à choisir celui qui décidera mieux que lui. Tout le système politique organise en effet la mise à distance du peuple. D’abord, dans la monarchie quinquennale aggravée par l’inversion du calendrier et le scrutin majoritaire, l’Assemblée nationale devient une chambre d’enregistrement à la botte du Président de la République et de ses conseillers. Elle est loin d’être représentative : 45% des électeurs qui se sont exprimés aux dernières législatives et près de 70% des électeurs inscrits y sont sous-représentés voire pas représentés du tout ! Et quand bien même l’Assemblée nationale serait véritablement souveraine et représentative, le bicamérisme (existence de deux chambres au Parlement : l’Assemblée nationale et le Sénat) permet encore de brider l’action législative des représentants du peuple et d’empêcher les votes radicaux d’une nouvelle majorité. Quant au référendum sous la Ve, il symbolise précisément cette peur du peuple : le peuple n’est jamais à l’initiative de la question et quand il ne répond pas selon la volonté des gouvernants, comme en 2005, on passe outre son veto. Pas étonnant dans ces conditions que l’abstention progresse ! Ecarter le peuple, et notamment les classes populaires, est bien un des fondements de ce système en décomposition…

La professionnalisation de la vie politique est l’autre conséquence de cette peur du peuple qui traduit la captation du pouvoir par une véritable oligarchie. Or les professionnels de la vie politique sont le produit du système des grandes écoles et constituent une « noblesse d’Etat » conformiste et sûre de son bon droit. Ce sont aussi ces origines communes et des réseaux d’amitiés des élites politiques avec les élites économiques, administratives, journalistiques qui favorisent ce copinage voire les conflits d’intérêt d’autant que souvent ces élites circulent d’un espace à l’autre (par exemple énarques qui passent de cabinet ministériel vers le secteur privé). Cet entre-soi social explique aussi le partage d’une même vision politique sous la coupe du MEDEF et de la commission européenne, avec ses variantes de « droite décomplexée » avec Sarkozy ou de « droite complexée » avec les solfériniens actuels. Cette « classe politique » est incapable de prendre en charge les aspirations populaires et la conflictualité démocratique.

Seule une réforme radicale du mode de scrutin et une démocratie fondée sur l’implication permanente des citoyens pourrait éviter la formation de cette caste politique. Les citoyens doivent conquérir des nouveaux droits, dans la vie politique comme dans leur vie sociale et professionnelle. Mais la méthode est tout : c’est bien une Assemblée constituante qui devra proposer ces nouvelles institutions, en déclenchant un élan de participation et d’implication citoyenne qui redonnera son existence civique au plus grand nombre.

* * *

Cette critique radicale de la Ve République, vous ne l’entendrez nulle part ailleurs : PS, UMP, FN… tous d’accord pour continuer à profiter en silence. Sans doute parce qu’ils sont tous touchés par les affaires, l’UMP en tête, mais le PS aussi… D’ailleurs le PS affirme même qu’il ne veut pas toucher à l’« équilibre » général des institutions. Quant au FN, il ne propose absolument pas de renverser le régime, mais, en bon opportuniste, il compte juste profiter du système à la place des autres, comme l’ont montré les nombreuses affaires dans les mairies FN. On l’a encore vu dans l’affaire Cahuzac: le compte en Suisse a été ouvert par Péninque, un très proche de Marine Le Pen ! Le FN a aujourd’hui les pratiques de ceux qu’ils dénoncent et rêve juste de faire pareil une fois au pouvoir !

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